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CCRC

Un système d'imputabilité pour les institutions financières du Canada s'assurer qu'elles satisfassent à des normes élevées

Cinquième exposé de position de la CCRC

(Décembre 1997)


Les banques canadiennes n'évoluent pas dans un contexte déréglementé. Depuis des années, elles bénéficient de la protection que leur accorde la Loi canadienne sur les banques. . . .
Selon moi, il est temps que les banques fassent aussi leur part. Le moment est venu pour le gouvernement de prendre l'initiative et de demander aux banques d'adopter des mesures qui aideront les PME canadiennes à trouver les capitaux qui leur sont indispensables.

Extrait d'un discours de Jean Chrétien
(11 fevrier 1993)

Les banques à charte canadiennes sont enracinées dans la collectivité. Leurs succursales sont implantées dans les villes et les villages du pays. Les services offerts par les succursales sont structurés de manière à répondre aux différents besoins de cette collectivité.

Petites entreprises :
Rapport annuel de l'Association des banquiers canadiens,
(juin 1995, p. 13)

I. Contexte

(a) Ce que les Canadiens font pour leurs banques

Les cinq plus grandes banques canadiennes sont les entreprises les plus importantes du pays (calculé d'après l'importance de leurs actifs, par ordre décroissant : la Banque Royale, la Banque CIBC, la Banque de Montréal, la Banque de Nouvelle-Écosse et la Banque Toronto Dominion). Ces actifs comprennent les prêts que les emprunteurs doivent rembourser, les obligations d'État, les actions dans d'autres entreprises, des biens immobiliers, des propriétés, etc.

Cependant, à la base des actifs des banques se trouve l'argent déposé par plus de 20 millions de Canadiens. Selon l'Association des banquiers canadiens, les comptes de dépôts individuels des Canadiens constituent la plus importante catégorie de dépôts des banques, tant par leur nombre que par le total des sommes déposées. Quand on combine les dépôts individuels et les dépôts des entreprises, on en arrive à la somme de 676 milliards $, ce qui représente 93 % du capital engagé total des cinq grandes banques à la fin d'avril 1997. Par contraste, les placements des actionnaires dans les banques ne totalisent que 46 milliards $.

Sans le capital fourni par ces dépôts, les cinq plus grandes banques n'auraient pu, à la fin de l'année 1996, accumuler les éléments d'actif suivants :

Également, sans le capital fourni par les déposants, les cinq grandes banques n'auraient pas engrangé en 1996 les profits suivants :

Une comparaison entre les actifs, dépôts et prêts totaux des cinq grandes banques d'une part et les revenus totaux des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux canadiens d'autre part nous donne une idée de la taille des banques du pays. Les actifs de toutes les banques, les dépôts de la Banque Royale et le montant des prêts de la Banque Royale et de la Banque CIBC dépassent les revenus annuels du gouvernement fédéral. Et les actifs et dépôts de trois des cinq grandes banques dépassent les revenus annuels de chacune des provinces et territoires, comme le font voir les chiffres suivants (voir CHART 1):

(b) Ce que les gouvernements du Canada ont fait pour les banques : des décennies de privilèges et de protection

Le Canada possède un des secteurs bancaires les plus concentrés au monde. Nous avons deux fois moins de banques que le Japon, cinq fois moins que l'Allemagne, sept fois moins que la France, huit fois moins que la Grande-Bretagne ; les États-Unis, quant à eux, ont 200 fois plus de banques que le Canada.

Si notre secteur bancaire est si concentré c'est parce que nos banques ont, depuis 1967, joui d'une protection juridique les mettant à l'abri de la concurrence des banques étrangères ; des coûts très élevés constituent une barrière très efficace et dissuadent les nouvelles banques de s'établir. Jusqu'à tout récemment, il y avait une limite de 10 % et de 25 % respectivement sur la propriété individuelle ou collective des compagnies d'assurance, des sociétés de prêt et des sociétés de fiducie réglementées par le gouvernement fédéral canadien ; une limite de 25 % sur la propriété collective étrangère des banques à charte et un plafond de 12 % sur la taille du secteur bancaire étranger au Canada. En conséquence de cela, on ne trouve qu'une cinquantaine de banques étrangères au pays. Même si elles ne font plus face à ces limites, les banques étrangères doivent encore rassembler des millions en capital pour ouvrir une filiale, obtenir l'approbation du Ministère des Finances pour établir une succursale, et aucune personne ou organisation ne peut posséder plus de 10 % d'une banque à charte canadienne (c'est-à-dire les cinq grandes banques et quelques autres, plus petites).

Presque toutes les banques étrangères établies au Canada n'opèrent que comme banques d'investissement spécialisées dans le financement des grandes sociétés car, comme l'ont affirmé leurs représentants dans le numéro de mai-juin de la revue Canadian Banker, elles sont d'avis que les coûts associés à la concurrence directe sur le marché des prêts personnels ou à la petite entreprise sont tellement élevés qu'il serait inutile de tenter de s'y tailler une place.

En conséquence de cette protection contre la concurrence étrangère, et du fait que l'État a permis aux banques d'exercer leurs activités dans presque tous les secteurs de l'industrie des services financiers, les cinq grandes banques canadiennes contrôlent bon nombre des secteurs de l'industrie des services financiers :

Une somme totale de 4,5 milliards $, provenant de la poche des contribuables, a facilité le rachat par les banques de plusieurs sociétés de fiducie en difficulté au cours des dernières années (notamment dans la période 1991-92), de sorte que les banques possèdent maintenant plus de 15 sociétés de fiducie et de prêt (la seule grande société de fiducie encore indépendante est le Canada Trust). Entre 1984 et 1993, les actifs totaux des sociétés de fiducie et de prêt associées aux banques sont passés de 36 à 150 milliards de dollars. Qui plus est, même si le gouvernement fédéral a permis aux banques l'accès illimité à l'industrie des fonds communs de placement il y a neuf ans seulement, la liste des dix plus grandes sociétés d'investissement à capital variable canadiennes comprend déjà cinq banques, et celles-ci contrôlent 30 % des actifs totaux de l'industrie.

Dans le domaine de l'accès au capital pour les entreprises, les banques sont de loin la source la plus importante de prêts et d'autres formes de crédit. À la fin de 1996, le montant total des crédits consentis par les sept plus grandes banques s'élevait à 456 milliards $, dont 31 (6,9 %) étaient accordés sous forme de prêts inférieurs à 250 000 $ (sommes supposées avancées sous forme de prêts aux petites entreprises).

Par contraste, les actifs totaux des sociétés de fiducie s'élèvent à environ 275 milliards $, et les activités de prêt de ces compagnies sont restreintes par la loi dans plusieurs provinces (l'Association des compagnies de fiducie du Canada n'a pas divulgué les chiffres concernant ces prêts, mais on peut sans trop de risque, les estimer, d'après le montant total de leurs actifs, à 68 milliards $).

Les actifs totaux des 2 300 caisses populaires canadiennes ne s'élèvent qu'à 95 milliards de dollars et, dans bien des provinces, les activités de prêt des caisses populaires sont restreintes par la loi (la Centrale des caisses de crédit of Canada ne divulgue pas les chiffres du montant total des prêts, mais on peut raisonnablement les évaluer, d'après le montant total de leurs actifs, à 20 milliards $). De plus, dans l'ensemble du Canada anglais, la part du marché détenue par les caisses populaires n'est que de 6 %. Malgré le haut niveau de conscience de leur existence et de leur finalité, les fonds de risque commandités par les travailleurs n'avaient investi en 1995 que 2 milliards $ environ, dont la majeure partie dans de grandes entreprises. Au Canada, le montant total disponible sous forme de capital de risque est de 5 milliards $ tout au plus.

Le programme Aide au développement des collectivités du gouvernement fédéral, qui vise particulièrement les régions, ne prête que 200 millions $ par année (mais ce montant comprend le paiement de l'asssurance-emploi aux participants du programme). Selon les Comptes publics de 1997, le montant des subventions et des prêts accordés aux entreprise par les agences de développement régional du gouvernement fédéral s'élèvera à 890 millions $ pour l'exercice financier en cours (Agence de promotion économique du Canada atlantique : 263 millions $; Développement régional (Québec) : 355 millions $;  Programme de diversification économique de l'Ouest : 267 millions $; subventions au développement de l'entreprise locale : 5 millions $). Finalement, entre 1983 et 1993, la Banque de développement fédérale du Canada n'a investi que 125 millions $ environ sous forme de capital de risque dans 110 sociétés (qui ont généré 400 millions $ en investissement) ; la Banque fédérale de développement est limitée par son capital engagé à des prêts totaux et à un passif de 3,2 milliards $.

Au total, les montants prêtés et investis dans l'entreprise par les établissements de dépôt au Canada autres que les sept grandes banques ne s'élèvent qu'à 20 % (97,5 milliards $) des montants prêtés à la petite entreprise. Les subventions et prêts du gouvernement fédéral, qui s'élèvent au total à 4,5 milliards, et le capital de risque (au total à 5 milliards) ne suffisent pas à combler ce manque. Il est clair que le total des fonds disponibles pour les entreprises en général et pour les petites entreprises créatrices d'emplois qui tentent de prendre leur essor ou de l'expansion est minuscule en comparaison des ressources financières des banques à charte. Pour que les petites entreprises soient globalement concurrentielles et qu'elles continuent de créer de l'emploi, les banques canadiennes doivent être éveillées à leurs responsabilités afin de garantir qu'elles répondent aux besoins de ce secteur clé de l'économie canadienne (Voir CHART 2).

Grâce à leurs activités de prêt et d'investissement, les grandes banques canadiennes jouissent d'un rôle privilégié, sanctionné par le gouvernement dans la création de la masse monétaire. Ce rôle a été subventionné au cours des quelques dernières années par les garanties accordées par le gouvernement fédéral pour les défauts de paiement des petites entreprises en vertu de la Loi fédérale sur les prêts aux petites entreprises (LPPE). Selon le vérificateur général, qui a critiqué le faible taux de création d'emplois du programme par rapport à son coût, les coûts totaux pour le gouvernement fédéral engendrés par les garanties en vertu de la LPPE ont été de 258 millions $ depuis 1992 (ce qui correspond à 2,5 % des montants prêtés). Au Québec, un système semblable (le plan Paillé), en place depuis décembre 1994, a entraîné des coûts totaux de 116 millions $, le gouvernement ayant couverts les défauts de paiement des prêts accordés par les banques et les caisses populaires. Ces pertes ont été engendrées par le manque de garanties exigées pour s'assurer que les institutions financières prêtaient à des entreprises viables.

(c) Profits records des banques : une conséquence des privilèges et des protections

Ces privilèges et protections ont aidé les cinq grandes banques canadiennes à atteindre des niveaux records de profits au cours des trois dernières années. En 1995, les cinq grandes banques ont compté parmi les sept sociétés aux profits les plus élevés au Canada, leurs profits ont plus que doublé depuis 1993 et, en 1996, la Banque Royale a enregistré les bénéfices les plus élevés jamais enregistrés par une entreprise canadienne, soit 1,43 milliards $. En 1997, les profits des banques ont augmenté considérablement, pour atteindre 7,5 milliards $, soit 19 % de plus que par rapport à 1996. La Banque Royale a brisé son propre record avec des bénéfices dépassant les 1,68 milliard $ ; la Banque CIBC et la Banque de Nouvelle-Écosse ont enregistré les deuxième et troisième plus importants profits jamais réalisés, soit respectivement 1,55 milliard $ et 1,5 milliard $. Trois des cinq grandes banques canadiennes (la Banque Royale, la Banque CIBC et la Banque de Montréal) comptent parmi les 16 banques les plus rentables au monde (voir CHART 3).

Les banques auraient atteint ces niveaux records de profit il y a plusieurs années si elles ne s'étaient pas lancées dans des investissements immobiliers hasardeux à la fin des années 1980. En 1992, des pertes totales des cinq grandes banques s'élevaient à presque 7 milliards $, soit presque 4 milliards $ de plus qu'en 1991. Cette importante augmentation s'est produite surtout parce qu'elles ont perdu environ 2 milliards $ en prêts consentis à Olympia & York, une société immobilière géante qui a déclaré faillite en 1992. En conséquence de ces pertes, les profits des banques ont chuté de 3,8 milliards $ qu'ils étaient en 1991 à 1,5 milliard $ en 1992. En 1995, les pertes sur prêts des cinq grandes banques ont touché leur plus bas niveau en cinq ans, pour atteindre un total de 2,3 milliards $ cette année-là, moment où les banques se sont remises des pertes qu'elles avaient subies dans l'immobilier. En 1995, les profits des banques ont augmenté pour atteindre un total record de 4,9 milliards $, surtout grâce à la baisse des pertes.

Comme nous le mentionnions plus haut, plusieurs sociétés de fiducie se sont elles aussi lancées à outrance dans les investissements immobiliers au début des années 1990, ce qui a provoqué plusieurs faillites ayant coûté aux contribuables des milliards en renflouement. Dans un cas, les contribuables (par le biais de la Société d'assurance-dépôts du Canada (SADC)) ont garanti le rachat de la Compagnie Trust Central Guaranty par la Banque Toronto Dominion au coût de 1 milliard $. Dans un autre cas, les pertes de la Confederation Trust ont été la principale cause de l'effondrement de la Confederation Life Group of Companies, âgée de 123 ans.

(d) Les privilèges et les protections entraînent des responsabilités plus lourdes

Les banquiers se plaisent à considérer les banques canadiennes comme des entreprises privées qui devraient donner priorité aux intérêts des actionnaires, les employés et clients venant en second et troisième lieux.

Toutefois, comme les banques ne seraient pas aussi grandes ni aussi rentables qu'elles le sont sans les dépôts individuels des Canadiens et les privilèges et protections accordés par les gouvernements canadiens, il y aurait lieu de considérer les banques bien plus comme des sociétés de services publics.

Les sociétés de services publics, comme les compagnies d'hydroélectricité, d'eau, de téléphone, de câble, se sont vues accorder l'avantage considérable de la quasi-exclusivité de la production ou de l'exploitation d'une ressource naturelle. De façon analogue, on a consenti aux banques le privilège considérable de jouer le rôle le plus important en générant et en exploitant une ressource créée par l'homme, à savoir l'argent. Les sociétés de services publics tout comme les banques sont en position de fiducie à but non lucratif, responsables des ressources qu'elles gèrent.

La décision en 1967 de protéger les banques canadiennes de la concurrence étrangère a été prise car on croyait qu'elles étaient le mieux en mesure de desservir le marché national. Même si cette décision a surtout eu comme effet de donner aux banques le monopole de la prestation des services bancaires, on n'a pas exigé d'elles qu'elles satisfassent à quelle que norme que ce soit ni exigé formellement qu'elles soient au service des Canadiens et de l'économie canadienne. Par contraste, les sociétés de services publics sont tenues de respecter certaines normes, d'accorder leurs services à la grandeur du pays; de plus, chaque fois qu'elles souhaitent augmenter les tarifs imposés à la clientèle, elles doivent fournir des statistiques très détaillées sur leurs coûts et revenus.

Certains commentateurs, dont bien entendu les banques, avancent que si les consommateurs sont insatisfaits des banques, ils ont accès à d'autres services bancaires, y compris l'accès au capital. Cet argument fait fi du fait que dans le système financier canadien, les banques sont la principale source d'intermédiation financière, conformément à ce que nous avons exposé plus haut sur la mainmise qu'exerce les banques sur les différents secteurs de l'industrie des services financiers.
Puisque les banques jouissent de protections et privilèges considérables depuis des décennies, qui leur ont permis d'accumuler des actifs importants et de prendre le contrôle du marché des services financiers au Canada, et qui les place en position de sociétés d'intérêt public, celles-ci devraient se voir imposer des normes plus élevées dans de nombreux domaines d'activité que celles qui touchent d'autres entreprises.

(e) Problèmes pour les consommateurs et pour les emprunteurs

Selon le gouvernement Canadien, 98 % des entreprises comptent moins de 50 employés (88 % en ont moins de cinq), 53 % de tous les Canadiens travaillant dans le secteur privé sont des travailleurs autonomes ou employés par une entreprise comptant moins de 100 employés, les petites entreprises sont à l'origine de 80 % de la croissance de l'emploi au cours des quinze dernières années; en 1991, elles ont été à la base de 38 % du produit intérieur brut canadien.

Il est généralement reconnu, à en croire les enquêtes menées par l'Association des banquiers canadiens (ABC) et par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), que les petites entreprises exigent des crédits d'au plus 250 000 $. Selon les rapports de l'ABC sur les prêts aux entreprises :

Les enquêtes menées auprès des membres de la FCEI ont révélé que l' accès au capital est un problème chronique, notamment si on se compare aux États-Unis. Les répondants rangent toujours ce problème parmi leurs dix principales préoccupations, et le nombre de petites entreprises signalant un problème d'accès au capital a doublé, passant de 20 % qu'il était en 1990 à 40 % en 1996 (l'enquête menée en juin accorde une sixième place au problème de l'accès au capital). Par contraste, les répondants aux enquêtes menées par la National Federation of Independent Business (NFIB) américaine au cours des dix dernières années n'ont jamais accordé plus qu'une 43e place à cette question (dans l'enquête menée en 1996, elle occupe la 63e position).

Une comparaison des statistiques de l'ABC sur les autorisations de crédit aux petites entreprises entre le 31 décembre 1995 et le 31 décembre 1996 révèle que le soutien aux petites entreprises a diminué dans son ensemble en 1996, comme le font voir les chiffres suivants (les données pour l'année 1997 ne sont pas encore disponibles) :

Ceci signifie que le secteur de la petite entreprise, même s'il est à l'origine de 35 % du produit intérieur brut du pays, ne reçoit qu'au plus 7 % des crédits consentis par les banques aux entreprises.

Aucune des cinq grandes banques ne consacre plus de 8 % de ces crédits à des prêts inférieurs à 250 000 $ consentis à des petites entreprises (allant de 3 % du crédit total pour la Banque Toronto-Dominion à 8 % pour la Banque de Montréal); et chacune d'entre elles consacrent, au plus, 17 % de leurs crédits à des prêts inférieurs à 1 million consentis à des petites et moyennes entreprises (allant de 8 % du crédit total pour la Banque Toronto-Dominion à 17 % pour la Banque de Montréal et la Banque Royale).

De plus, même s'il y avait, à la fin de l'année 1996, 620 000 entreprises qui recevaient des banques un prêt de moins de 250 000 $, selon le gouvernement canadien il y aurait 2,1 millions de petites entreprises occupant moins de cinq employés (y compris les travailleurs autonomes, dont 700 000 sont des femmes) et représentant plus de 90 p. cent du secteur commercial au Canada. La question est de savoir ce que font les banques pour ouvrir l'accès au capital aux 1,48 million de petites entreprises canadiennes qui n'ont pas de crédit bancaire.

Dans l'ensemble, et compte tenu de ces chiffres, les prêts accordés par les banques en 1996 font voir une réticence constante à soutenir le secteur de la petite entreprise, créateur d'emplois. À un moment où le gouvernement fédéral prétend stimuler la microentreprise et où les démographes voient dans la croissance du travail autonome l'avenir du marché du travail, force est de constater que les banques entravent la création d'emplois au Canada.

Par contraste, de l'augmentation de 18 milliards de dollars du total des prêts accordés aux entreprises en 1996, 15 milliards $ (soit 83 %), ont été consentis en des montants dépassant les 5 millions de dollars (soit une augmentation de 4,8 % dans cette catégorie de prêts). Cependant, pendant la même année, le nombre de clients ayant eu droit à un crédit de plus de 5 millions $ a décru de 13 %. Par conséquent, en décembre 1996, les clients ayant une autorisation de crédit dépassant les 5 millions $ ne représentaient que 1,25 % de la clientèle totale, mais recevaient 75 % du crédit consenti (comparativement à 1,47 % du nombre total de clients et 74 % du crédit total au 31 décembre 1995). Autrement dit, en 1996, les banques ont accordé plus de crédit à un nombre plus restreint de grandes entreprises (voir CHART 4 et CHART 5).

Caisses populaires le rang de troisième meilleur secteur industriel pour ce qui est de la satisfaction de la clientèle ; les sociétés de fiducie se retrouvent au neuvième rang. L'enquête s'est intéressée à la courtoisie, à la rapidité du service, à la qualité de l'information sur les produits, au service après-vente et au traitement des réclamations.

De plus, une étude publiée en juin 1996 par l'ACEF-Centre de Montréal permettait de constater que 3 % de adultes canadiens ne disposent pas d'un compte auprès d'une institution financière. D'autres études ont révélé que ce pourcentage est encore plus élevé chez les Canadiens à faible revenu. Un sondage mené par la firme Environics en 1995 a révélé que huit p. cent (8 %) des consommateurs dont le revenu annuel est inférieur à 25 000 $ (ce qui, selon les données de Statistique Canada pour 1994, correspond à au moins 400 000 Canadiens) n'ont pas de compte de banque.
Ces enquêtes ont suscité le besoin d'une divulgation plus détaillée par les banques des éléments d'information essentiels sur les prêts aux petites entreprises et sur les services à la clientèle; toutefois, les banques refusent de se plier à ces exigences et le gouvernement fédéral refuse d'exiger d'elles davantage de transparence.

Un autre problème important concerne le fait que les consommateurs de produits et services financiers ne sont pas organisés comme il se devrait pour exiger des comptes des banques et des autres institutions financières quand le service est déficient. Cette absence d'organisation des consommateurs s'explique principalement par l'existence de barrières systémiques qui s'opposent à la création de groupes à base étendue et bien financés, groupes qui agiraient en chiens de garde de l'industrie (voir le quatrième exposé de position de la CCRC : Une organisation canadienne de consommateurs de services financiers : équilibrerait le marché des produits et services financiers pour plus de détails).

(f) Les mesures prises par le gouvernement ne suffisent pas à responsabiliser les institutions financières ou à résoudre les problèmes

La léthargie des gouvernements canadiens et du gouvernement fédéral en particulier en matière de réglementation s'explique en partie par leur parti pris erroné en faveur de l'autoréglementation et l'adoption de code de pratique volontaire. La législation proposée par le gouvernement fédéral est maintenant accompagnée d'une évaluation de l'impact de la réglementation basée en partie sur les résultats d'une consultation Test de l'impact sur les entreprises (TIE). Le TIE a été mis au point par l'entreprise en collaboration avec l'Association canadienne des manufacturiers, le Conseil du Trésor du Canada et Industrie Canada. Il vise à s'assurer que les changements législatifs et réglementaires n'entravent pas la compétitivité des entreprises canadiennes. Citations tirées du préambule d'une des affirmations TIE, le TIE tient à connaître choix de politiques préférés des entreprises et donne [aux entreprises] la possibilité d'influer sur le processus législatif du gouvernement .

L'application du TIE soulève la question fondamentale : qu'en est-il d'un Test de l'impact sur les consommateurs équivalent et d'un processus de consultation qui donnerait aux consommateurs la possibilité d'influer sur le processus législatif du gouvernement ? La réponse, de toute évidence, c'est qu'un tel test n'existe pas.

Au cours des cinq dernières années, le gouvernement fédéral s'est appuyé sur le TIE et a, par conséquent, favorisé l'adoption de codes de pratique volontaire comme seule réglementation dans de nombreux domaines. Le gouvernement a privilégié l'adoption de normes volontaires car il était d'avis qu'il fallait réduire les dépenses pour la mise en application des règlements et que ces réductions se traduiraient un jour par des économies.

Cependant, les codes de pratique volontaire ne se sont pas avérés une forme efficace de réglementation, et tout porte à croire qu'ils ne fonctionnent que dans des situations très particulières et très restreintes. Comme le concluait le rapport intitulé Voluntary Codes : A Viable Alternative to Government Legislation du Centre pour la promotion de l'intérêt public, paru en mai 1994, même l'adaptation et l'adoption par l'Association des banquiers canadiens du code de modèle de la CSA pour la protection de l'information personnelle donne très peu de garanties quant à la protection des données personnelles sur consommateur. De même, l'existence d'autres codes de pratique volontaire dans l'industrie des services financiers procure peu d'assurance aux consommateurs. Les codes de pratique volontaire, en soi, sont tout simplement un moyen inadéquat d'assurer le respect des règles, comme l'a fait remarquer le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada devant le Comité sénatorial permanent sur les banques et le commerce (25 avril 1995).

Pour prendre un exemple dans un autre domaine, l'enquête menée par la firme KPMG sur la gestion de l'environnement a révélé que pour 95 % des entreprises, le facteur motivant l'élaboration et l'application d'un système interne de gestion de l'environnement était la volonté d'observer les règlements. Sans ces règlements, les entreprises interrogées, dont les banques, n'auraient pas eu le désir d'appliquer des codes de pratique volontaire.

Après avoir prôné pendant des années l'application de codes de pratique volontaire au lieu de la réglementation, le gouvernement fédéral a enfin décidé de s'intéresser aux résultats quand le Bureau de la consommation d'Industrie Canada et la Direction des affaires réglementaires du Secrétariat du Conseil du Trésor a mené le Projet sur les codes sans caractère obligatoire . Ces différentes études concluent que les codes de pratique volontaire ne fonctionnent que dans des situations très particulières, dans lesquelles se trouvent réunies les conditions suivantes :

  1. Est-ce que la norme et le système d'application sont mis au point conjointement par le consommateur, le gouvernement et les représentants de l'industrie?
  2. Existe-t-il un mécanisme de divulgation détaillé et efficace des activités de l'entreprise dans les domaines couverts par le code?
  3. Existe-t-il un mécanisme d'évaluation public, indépendant et bien financé permettant de savoir si les entreprises satisfont aux normes prévues par le code par le biais d'un corps d'application responsable devant le public?
  4. Les sanctions prévues pour les infractions au code sont-elles suffisantes pour décourager les pratiques interdites?
  5. Existe-t-il des mécanismes d'appel à la disposition des consommateurs insatisfaits?
  6. Est-ce que le gouvernement soutient la norme et le système d'application?
  7. Existe-t-il un mécanisme d'examen et de mise à jour périodique du code, avec la participation de représentants des consommateurs, du gouvernement et de l'industrie?

On doit noter que ces conditions, considérées dans leur ensemble, correspondent aux conditions pour une législation ou réglementation efficace dans tout domaine d'activité économique. Une différence importante entre la réglementation et les codes de pratique volontaire, cependant, est que les règlements s'appliquent habituellement à toutes les entreprises actives dans un domaine particulier, tandis qu'un code d'application volontaire ne s'applique qu'aux entreprises qui acceptent de plein gré de s'y conformer. Par conséquent, quand le gouvernement ne s'en remet qu'à des normes volontaires pour restreindre les activités dans un secteur économique particulier, de nombreuses entreprises peuvent se soustraire à un examen de leurs activités.

Le gouvernement fédéral a reconnu le besoin d'une réglementation dans le secteur des services financiers. Le document de travail sur l'examen de la législation dans le secteur financier de 1997 (publié en juin 1996) reconnaît le besoin d'une réglementation dans le secteur des produits et services financiers qui aille dans le sens d'une résolution des problèmes du consommateur : Il ne fait aucun doute que le besoin de réglementation se fait sentir dans le secteur financier. Non seulement des réglementations protégeraient-elles le consommateur, mais elles permettraient de définir les règles du jeu afin que le secteur puisse déployer ses activités harmonieusement. (page 19). Le document de travail de 1997 du groupe de discussion sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens affirme aussi que le secteur des services financiers a été par tradition un segment de l'économie dans lequel les règlements sont acceptés et jugés normaux (page 6).

Cependant, les gestes posés par le gouvernement fédéral ont été en contradiction avec la reconnaissance du besoin de réglementation dans le secteur des services financiers. Par conséquent, le gouvernement fédéral a échoué dans son projet d'élaborer et d'appliquer des mesures efficaces qui auraient permis aux gouvernements et aux Canadiens de tenir les institutions financières responsables devant le consommateur, les petites entreprises et les intérêts de la communauté pour ce qui est des questions qui leurs tiennent à c ur.

Ainsi, pendant la période de consultation sur les amendements à la Loi sur les banques et autres institutions financières, consultation tenue entre avril 1995 et juillet 1996, Doug Peters, à l'époque Secrétaire d'État pour les institutions financières internationales et responsable des amendements, a tenu 45 réunions, toutes avec des représentants de l'industrie, et a prononcé neuf discours, tous devant des associations d'industriels. Pendant cette période de consultation, M. Peters n'a jamais rencontré de groupes de consommateurs.

Les amendements proposés par le gouvernement fédéral à la Loi sur les banques et aux autres lois présentées après la période de consultation (en février 1997) reflétaient le parti pris du processus de consultation de M. Peters. Le gouvernement n'a pas exigé des institutions financières qu'elles fassent beaucoup pour protéger les consommateurs ; il a plutôt permis aux banques d'élaborer leur propre mesures inefficaces et volontaires, comme on voit en considérant les faits suivants :

Dans le domaine des prêts aux petites entreprises, le gouvernement fédéral s'en est également remis à un système de mesures volontaires pour tenir les banques responsables parce qu'il est entaché de fautes majeures qui s'est avéré inefficace :

D'abord, l'Association des banquiers canadiens (ABC) divulgue les données dans ses propres rapports trimestriels, avec ses propres sommaires présentant l'analyse des statistiques sous le jour le plus favorable qui soit pour la banque. Ensuite, les statistiques sur la catégorie de prêts la plus basse qui soit présentement disponibles concernent les prêts de moins de 25 000 $, ce qui correspondent à 40 % de la clientèle commerciale des banques. De toute évidence, cette catégorie est trop large pour être utile sur le plan statistique aux fins d'analyse des différents types de petites entreprises ayant de faibles besoins de crédit.

La troisième erreur du système actuel de divulgation des données sur les prêts réside dans le fait que les statistiques de l'ABC ne nous renseignent que sur l'offre de crédit et non sur la demande, qu'il s'agisse du nombre de clients demandant un prêt ou du total des montants demandés. Savoir combien de crédit a été consenti par la banque nous apprend peu de chose tant qu'on ne sait pas combien les entreprises de différentes tailles ont demandé. Ainsi, selon l'Association des banquiers canadiens, une somme de 2,9 milliards de dollars a été versée en prêts à la petite entreprise au cours des quatre dernières années. Cependant, les banques n'ont pas révélé quelle portion de ce montant a effectivement été prêtée à de petites entreprises, et combien de nouvel argent a été demandé par le secteur de la petite entreprise. En conséquence de cette erreur, quand on place les banques devant des statistiques montrant une stagnation des prêts inférieurs à 100 000 $ en 1996, elles n'ont qu'à se défendre en disant que la demande a dû demeurer constante et qu'elles n'ont fait que continuer à y répondre. Le gouvernement fédéral ne peut en rien réfuter cette allégation, car les banques ne sont pas tenues de divulguer les statistiques qui permettraient de confirmer ou d'infirmer les allégations concernant les demandes de prêts.

La quatrième erreur du système actuel de divulgation des données a trait au fait qu'aux fins des rapports, le Canada n'est divisé qu'en huit (8) régions. Cela est nettement insuffisant pour analyser la question de savoir si les banques répondent aux besoins de crédit des collectivités (ou même de certaines provinces) desquelles elles acceptent les dépôts. La cinquième erreur du système actuel de divulgation des données a trait au fait que l'information importante, comme par exemple les taux d'approbation ou de rejet des demandes (catégorisées en fonction du nombre d'employés de l'entreprise, de son volume des ventes et du sexe du demandeur) n'est pas colligée systématiquement, mais qu'elle est plutôt recueillie dans le cadre d'enquêtes commandées par l'ABC. Ces études, menées par la firme Thompson, Lightstone & Company de Toronto pour le compte de l'ABC en 1995 et 1996, présentent plusieurs failles. Une dernière erreur du système actuel vient du fait que les statistiques compilées et divulguées par les banques au gouvernement fédéral, ainsi que les données brutes des enquêtes de l'ABC et les sommaires des rapports, ne sont pas disponibles en format électronique, ce qui complique leur analyse par le gouvernement fédéral ou par les autres parties intéressées (voir le troisième exposé de position de la CCRC Divulgation par les banques des statistiques des prêts aux entreprises : Comment corriger les erreurs du système actuel pour plus de détails).

En rapport avec tous les problèmes associés aux données sur les prêts aux petites entreprises, on notera qu'il s'agit du seul secteur d'activité bancaire pour lequel il existe une divulgation efficace de l'information, fût-elle réduite. De toute évidence, il y a un manque d'information nécessaire pour quiconque souhaiterait déterminer si les banques à charte fournissent des services de qualité aux Canadiens et, à plus forte raison, un absence de mesures qui garantiraient que les banques posent les gestes nécessaires pour corriger les éventuels problèmes révélés par la divulgation d'information.

II.

Politiques et programmes des partis politiques fédéraux : imputabilité grâce à la divulgation

Au congrès national du parti libéral tenu en octobre dernier à Ottawa, les résolutions de priorité proposées par trois associations provinciales ont été adoptées par plus de 2 000 délégués venus de partout au Canada. Venant appuyer l'affirmation du Premier ministre Jean Chrétien placée en exergue du présent document, les résolutions proposaient la promulgation de lois canadiennes inspirées de la législation fédérale américaine, laquelle a été mentionnée dans une des résolutions.

La législation américaine, composée du Home Mortgage Disclosure Act et du Community Reinvestment Act, exige des institutions financières qu'elles colligent et divulguent ouvertement les données qui permettent au public de juger si elles répondent à la demande légitime de prêts, d'investissement et de services du secteur des entreprises et des collectivités du pays ; la législation américaine précise aussi les exigences auxquelles les institutions doivent satisfaire, à défaut de quoi elles s'exposent à des amendes dans certaines circonstances (qui seront expliquées à la section suivante du présent exposé de position).

Le programme électoral de 1997 des Libéraux affirme qu'en plus d'augmenter le capital et la capacité de prêt des institutions financières de la Couronne telles que la Banque de développement du Canada, la Société du crédit agricole (qui se concentre sur les prêts aux petites entreprises), les Libéraux faciliteront de façon concrète le dialogue entre le secteur à but non lucratif et les institutions financières dans le but de promouvoir le développement économique des collectivités, y compris par le soutien aux initiatives de microprêts .

Dans l'intention de se pencher sur le même problème, le programme électoral des Conservateurs pour 1997 s'engageait à exiger des banques qu'elles publient des dossiers détaillés sur les prêts aux petites entreprises sur une base régionale afin de permettre aux Canadiens de comparer le rendement et l'engagement de leurs institutions financières envers la création de capital d'emprunt pour les entreprises petites ou débutantes . Les programmes électoraux du NPD et du Bloc québécois contenaient également des propositions semblables au sujet des exigences de divulgation des données sur des pratiques des banques en matière de prêt ainsi qu'un engagement à promulguer une loi exigeant des banques qu'elles réinvestissent dans la communauté et dans les entreprises créatrices d'emploi, au cas où les données révéleraient que les banques ne satisfont pas la demande légitime en capital.

III.

Le système d'imputabilité des institutions financières américaines: un modèle à adapter et à adopter au Canada

(a) Une divulgation détaillée des données est essentielle

Les États-Unis possèdent deux lois principales à la base du système d'imputabilité des institutions financières : le Home Mortgage Disclosure Act (HMDA) et le Community Reinvestment Act (CRA).

En vertu du HMDA, promulgué en 1975, la quasi-totalité des 10 000 banques, institutions financières et sociétés de prêt hypothécaire américaines sont tenues de divulguer :

L'institution financière peut également expliquer pourquoi telle ou telle demande est rejetée. Seules les plus petites banques sur le plan des actifs (moins de 10 millions $) ou du nombre de prêts hypothécaires consentis (moins de 100) ne sont pas tenues de révéler ces données.

De plus, des amendements récents au CRA, qui a été promulgué en 1977, ont étendu certaines de ces exigences de divulgation aux petites entreprises, aux petites fermes et aux prêts à la consommation. Plusieurs États possèdent leurs propres lois relatives à la divulgation des données qui, dans certains cas, étendent les exigences à d'autres domaines. Dans tous les cas, les éléments d'information qui permettraient d'identifier un emprunteur ne sont pas révélés, afin de protéger la vie privée des emprunteurs.

Le HMDA et les lois propres à certains États ont été promulgués afin que les inspecteurs fédéraux et le grand public puissent avoir accès à l'information sur les banques, les épargnes et les prêts, les caisses populaires et les autres établissements d'épargne et société de prêts hypothécaires nécessaires pour :

Le CRA a été amendé afin d'inclure la divulgation d'autres données sur les prêts, essentiellement pour les raisons déjà mentionnées. Le système américain est efficace, car il permet de suivre les demandes de prêts et les taux de rejet, il est utile aussi car il permet de s'informer sur les prêts en fonction de critères divers. Ainsi, les inspecteurs ont été en mesure de déterminer qu'à l'échelle des États-Unis, si l'on est Noir, on court un risque deux fois plus grand de voir sa demande de prêt hypothécaire rejetée que si on ne l'est pas mais qu'on dispose du même revenu et qu'on vit dans le même quartier. Les inspecteurs, avec des regroupements de citoyens ou les groupes communautaires, peuvent également suivre le rendement des banques au chapitre des prêts en fonction des quartiers.

Par contraste, au Canada, avec le système actuel de divulgation des données sur les prêts, l'État ne peut déterminer si les banques répondent à la demande en prêts des entreprises, si le taux de rejet des demandes de prêts faites par les petites entreprises est plus élevé que celui des grandes entreprises, si les entreprises présentes dans certaines collectivités ou uvrant dans certains secteurs d'activité sont plus souvent rejetées que d'autres.

(b) Normes de rendement et examen basés sur la divulgation de statistiques

Afin de garantir un niveau élevé de service à tous les clients et à tous les quartiers, les institutions financières ont, en vertu du CRA, des responsabilités vis-à-vis des collectivités qu'elles sont autorisées à desservir en vertu de leur charte. Essentiellement, les institutions financières doivent satisfaire les besoins en services et en crédit des collectivités dans lesquelles elles opèrent, d'une manière conforme à une opération saine et viable pour l'institution .

Les grandes institutions financières (aux fins du CRA celles dont les actifs dépassent les 250 millions $) peuvent choisir de soumettre un plan stratégique ou de se soumettre à trois évaluations de rendement (prêts, investissements et services). Si elle opte pour la soumission d'un plan stratégique, l'institution financière doit élaborer un plan définissant des objectifs mesurables qui visent chacune des trois catégories de performance susmentionnées. Le plan peut s'étendre sur une période de cinq ans mais doit prévoir des objectifs mesurables sur une année, comprenant des détails sur la façon dont les besoins en crédit des personnes et des quartiers à revenu faible ou moyen sont satisfaits.

Une fois que le plan a pris forme, il doit être soumis aux commentaires du public. Cette opération comporte normalement la sollicitation des commentaires du public pendant au moins trente jours à la suite de la publication d'un avis dans au moins un journal à grand tirage dans la collectivité que l'institution financière entend desservir. De plus, des copies du plan doivent être mises à la disposition des membres de la collectivité, si un besoin est exprimé en ce sens. Une fois le processus de consultation du public accompli, le plan doit être soumis à l'approbation réglementaire. Une fois en opération, l'institution financière reçoit une note du CRA qui sera fonction de la mesure dans laquelle l'institution atteint les objectifs de rendement annuel de son plan stratégique. L'institution financière doit obtenir la note de passage ; cette note peut être révisée à la lumière d'éventuelles politiques de prêt discriminatoires.

Comme nous le mentionnions plus haut, une institution financière peut, au lieu de soumettre un plan, choisir d'être évaluée chaque année par des inspecteurs dans les domaines des prêts, des investissements et des services. Les pratiques en matière de prêts aux petites entreprises et aux petites fermes sont jugées en fonction de cinq critères :

  1. le montant global des prêts (nombre de prêts et montants prêtés) et nombre de demandeurs, d'approbations et de rejets;
  2. la distribution géographique des prêts (selon les secteurs de recensement à l'intérieur et à l'extérieur de la collectivité);
  3. les caractéristiques de l'emprunteur (niveau de revenu);
  4. les prêts au développement communautaire (nombre et montants prêtés);
  5. flexibilité des pratiques en matière de prêt (particulièrement dans la mesure où elles ont trait à la satisfaction des besoins en crédit des personnes à revenu faible ou moyen).

Les quatre critères d'évaluation des investissements sont les suivants :

  1. la valeur du dollar;
  2. le caractère innovateur ou complexe des investissements;
  3. l'adéquation entre les investissements et les besoins en développement de la collectivité;
  4. la question de savoir si les investissements sont faits habituellement par des investisseurs privés.

Les quatre critères d'évaluation des services sont les suivants :

  1. la répartition des succursales en fonction des disparités géographiques de revenu;
  2. les antécédents de la banque en ce qui a trait à l'ouverture et à la fermeture de succursales dans les quartiers et collectivités à revenu faible ou moyen;
  3. la disponibilité de formes de services de rechange (comme des heures d'ouverture prolongées et le guichet automatique);
  4. la question de savoir si la gamme de services fournis aux quartiers ou aux collectivités de revenu disparate est conçue de manière à satisfaire les besoins particuliers de ces quartiers et de ces collectivités.

Aussi bien avec les plans stratégiques qu'avec les processus d'évaluation, les institutions financières sont, dans une certaine mesure, jugées sur la façon dont elles répondent aux besoins de développement économique communautaire des collectivités dans lesquelles elles sont implantées. Essentiellement, le CRA évalue le développement économique communautaire en fonction du caractère abordable du logement, des services communautaires s'adressant aux personnes à revenu faible ou moyen, du financement des petites entreprises et des petites fermes et de la revitalisation des quartiers et collectivités à revenu faible ou moyen.

Un amendement récent au CRA permet aux institutions financières d'entrer en partenariat avec d'autres institutions de services financiers et de prêt qui peuvent être spécialisées dans le service d'un quartier particulier ou d'un groupe de personnes particulières. Par conséquent, une grande banque implantée à l'échelle nationale peut, au lieu de tenter de corriger les problèmes à l'interne par ses pratiques en matière de prêt à des quartiers ou à collectivités en particulier, fournir du crédit et du capital d'investissement à un fonds de prêt communautaire, une caisse populaire ou à une autre institution financière de développement communautaire ; les prêts accordés à même ce capital seront comptabilisés comme faisant partie des activités de prêt et d'investissement de la banque aux fins de l'évaluation en vertu du CRA.

Chaque année, les agences de réglementation (le Federal Reserve Board, l'Office of the Comptroller of the Currency, la Federal Deposit Insurance Corporation et l'Office of Thrift Supervision) sont tenues de préparer des documents de divulgation pour chacune des institutions financières évaluée. Les documents comprennent les données statistiques mentionnées plus haut, l'information colligée en vertu du HMDA, ainsi que les résultats de l'évaluation des inspecteurs.

(c) Répondre aux besoins dans le contexte d'un système efficace et d'opérations saines et viables pour les institutions financières

Il importe de noter que la section Objectifs du CRA affirme en toutes lettres que les prêts et investissements doivent être faits dans les limites de ce qui est sain et viable pour l'institution financière, et que les inspecteurs doivent tenir compte, dans l'évaluation d'une institution en vertu du CRA, de sa taille, de l'état de ses finances, des éventuelles entraves juridiquesm, des conditions économiques locales, ainsi que du rendement des autres institutions financières opérant dans la même collectivité.

Une étude menée en 1996 par la Federal Reserve Bank de Kansas City (qui fait partie du système de la Réserve fédérale américaine) qui s'est intéressée à 600 institutions financières réparties à travers les États-Unis, a constaté que 98 p. cent des institutions qui ont répondu auu sondage signalaient que leurs activités de prêts en vertu des exigences de la loi (HMDA et CRA) étaient rentables ; elles ont toutes signalé que les pertes sur ces prêts étaient comparables aux pertes sur les prêts ordinaires, que les taux de défaut de paiement étaient comparables à ceux des prêts ordinaires et que, dans l'ensemble, le niveau de risque associé à ces prêts était acceptable.

Également, une étude menée durant le mandat du président Bush par le General Accounting fédéral américain a conclu que les exigences du HMDA et du CRA pouvaient être considérées minimales et qu'elles n'imposaient pas de surcharge bureaucratique indue aux institutions financières américaines.

(d) L'accès public aux processus d'examen et de sanction : incitatifs et exigences

Toutes les institutions financières doivent aussi tenir un dossier public. Le dossier public doit contenir une copie de la dernière évaluation de rendement en vertu du CRA, une liste des succursales bancaires avec leur adresse et le secteur de recensement, une liste des services offerts à chaque succursale (heures d'ouverture, services de prêt et de dépôt et frais de transaction) ainsi qu'un plan de la communauté que la banque entend desservir. Si la banque n'obtient pas une note satisfaisante à l'évaluation en vertu du CRA, elle doit indiquer les efforts qu'elle est en train d'entreprendre pour atteindre ses objectifs; cette section doit être mise à jour trimestriellement. De plus, le dossier doit contenir tous les commentaires publics concernant la banque en question soumis au cours des trois années précédentes.

Un échec à l'évaluation en vertu du CRA peut entraîner le rejet d'une demande d'expansion, expansion qui se ferait par l'ouverture de nouvelles succursales, par fusion ou par acquisition. Par conséquent, les banques ont un intérêt commercial à atteindre les objectifs prescrits par le CRA, même si cet intérêt a été considéré comme particulièrement inefficace jusqu'à maintenant, surtout parce que les inspecteurs fédéraux n'ont que rarement rejeté une demande d'expansion, même en présence de résultats insatisfaisants de l'institution financière à l'évaluation en vertu du CRA.

Une des plus importantes caractéristiques du CRA tient au fait qu'il donne aux citoyens un droit de regard dans le processus d'évaluation. Les groupes communautaires, les associations de petites entreprises et les agences publiques ont la possibilité d'exposer leurs préoccupations et, dans les 360 examens de demande d'expansion faits jusqu'à maintenant en vertu du CRA, on a vu bien plus d'ententes négociées entre les institutions financières et les groupes communautaires que de mesures imposées par les inspecteurs.

Grâce à ces ententes négociées, plus de 210 milliards $ ont été consacrés à des investissements ciblés dans les quartiers et collectivités à revenu faible ou moyen ainsi que dans les communautés habitées par des minorités visibles aux États-Unis, investissements qui n'auraient pu se réaliser si les États-Unis n'avaient pas disposé d'un système d'imputabilité des institutions financières enchâssé dans la loi, y compris plus de 30 milliards $ chaque année au cours des cinq dernières années.

IV.

Concurrence dans les services financiers : insuffisante pour assurer l'imputabilité et un haut niveau de performance

La plupart des économistes sont d'avis qu'un marché compétitif permet de maximiser les bénéfices des consommateurs. Cependant, les théories économiques classiques reconnaissent que le marché a ses imperfections. Les banques américaines, avant l'adoption du Community Reinvestment Act (CRA), étaient un bel exemple d'une industrie qui, bien qu'étant compétitive, desservait mal certains secteurs de la société. Des études effectuées à cette époque ont démontré que les banques ne répondaient pas aux besoins des quartiers pauvres et de population non blanche. Le recours au redlining par les banquiers (on encerclait certains quartiers spécifiques sur les cartes géographiques, et on y refusait tout service) était une pratique que l'on soupçonnait déjà avant qu'elle n'ait été prouvée au début des années 1970. Alors, il fallut, malgré un marché compétitif, adopter une loi visant à assurer que les victimes de ces failles du marché puissent obtenir des services adéquats.

Certains voient les négociations en cours de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les services financiers comme une panacée aux problèmes actuels des banques canadiennes, puisque l'accord de l'OMC amènera vraisemblablement le Canada à abaisser les barrières imposées aux banques étrangères qui veulent leur part du marché canadien et offrir leurs services aux emprunteurs et consommateurs canadiens. Cependant, même si une entente globale était conclue, l'expérience américaine a jusqu'ici démontré qu'il sera nécessaire de mettre en place un système de compilation de données, afin de s'assurer que les institutions financières, tant étrangères que canadiennes, serviront bien les intérêts des Canadiens.

De plus, la politique du gouvernement fédéral en matière de réduction des barrières imposées aux banques étrangères, telle qu'énoncée le 25 septembre 1997, dans un document de travail du ministère des Finances, est d'interdire aux banques étrangères établies au Canada d'accepter des dépôts de moins de 150 000 $. Par cette politique, la majorité des consommateurs et des petites entreprises, n'auraient donc pas les mêmes possibilités que les entreprises importantes et les particuliers financièrement aisés sur les marchés financiers. D'autant plus que, pour maintenir leur part du marché et leurs marges bénéficiaires, les banques canadiennes devront probablement couper leurs prix aux plus riches et les hausser aux petites entreprises et aux consommateurs à faibles et moyens revenus. Peut-on prétendre que cette forme de concurrence sera à l'avantage des consommateurs? Et qui protégera les intérêts des consommateurs si les banques canadiennes, afin de maintenir leur marge de profits, créent un système bancaire à deux niveaux en éliminant des services et en augmentant les tarifs aux petits épargnants?

Le gouvernement fédéral reconnaît le besoin de réglementer le secteur des services financiers afin de mieux protéger les consommateurs et d'assurer son bon fonctionnement, même si la concurrence est forte. Cependant, comme l'indique en détail la section I(f) du présent exposé, et comme nous l'avons démontré dans les quatre autres exposés de la CCRC, le gouvernement fédéral n'a pas réussi jusqu'ici à mettre en uvre et à adopter des mesures efficaces qui permettraient aux gouvernements et aux Canadiens de rendre les institutions financières de dépôt responsables vis-à-vis des consommateurs, des petites entreprises et des collectivités, et il n'est pas parvenu à favoriser un haut niveau de performance chez les institutions canadiennes. La prochaine section du présent exposé rendra compte en détail d'un système d'imputabilité.

V.

Système d'imputabilité des institutions financières fait au Canada

(a) Les États-Unis v. le Canada : Les banques canadiennes sont présentes aux États-Unis et le système américain pourrait s'appliquer ici

Les banques à charte ont déclaré à tort que l'imposition au Canada de règlements comparables aux règlements en vigueur aux États-Unis aurait des conséquences désastreuses. Ces déclarations sont fondées sur de fausses allégations sur les exigences de la loi fédérale américaine, la Community Reinvestment Act (CRA). Par exemple, dans un rapport soumis au groupe de travail sur l'avenir des services financiers canadiens, et dans plusieurs déclarations publiques, l'Association des banquiers canadiens (ABC) a fait valoir que, en vertu du CRA américain, le montant des prêts et des dépôts dans une région ou une communauté donnée doit être équilibré et que ce critère ne peut s'appliquer à nos banques du fait qu'elles sont tenues, conformément à leur charte, de desservir tout le pays et qu'il ne peut s'appliquer aux banques virtuelles non plus étant donné qu'elles n'ont pas de succursales (p. 35). La Banque de Montréal, dans son rapport soumis à un groupe de travail, a fait valoir que la réglementation peut prescrire que des crédits soient mis à la disposition de groupes spécifiques, ainsi que le stipule le Community Redevelopment Act aux États-Unis . De toute évidence, la banque, qui ne connaît même pas le nom de la loi américaine en question, en connaît encore moins son contenu.

Premièrement, chacun sait que les banques prêtent plus d'argent qu'elles n'en ont en caisse, même si l'enregistrement des prêts consentis aux clients comme des dépôts dans toutes les banques signifie que les montants correspondent et que l'actif et le passif des états financiers de toutes les banques doit s'équilibrer. Deuxièmement, ainsi que nous l'avons expliqué en détail précédemment, le CRA américain demande aux institutions financières de répondre aux besoins des collectivités où elles ont été instituées par charte, avec pour mandat d'assurer une saine gestion de ces institutions . On ne fait nullement référence aux dépôts, ni aux emprunts équilibrés, ni à aucune autre activité des institutions financières se rapportant aux dépôts dans une communauté donnée. Troisièmement, une partie du mandat d'une institution financière bien gérée est de répondre aux demandes de crédit légitimes de tous les clients.

Donc, l'ABC a tort de prétendre que certaines collectivités et provinces canadiennes pourraient plus difficilement avoir accès au crédit si une loi similaire au CRA américain était adoptée. Essentiellement, le seul effet possible du CRA est que si les institutions financières n'offrent pas de services et ne répondent pas aux demandes de crédit (tels que définis dans les critères divulgués), alors on pourrait leur demander de répondre à ces besoins. La seule conséquence possible, si la divulgation de renseignements détaillés sur le rendement des banques révélait que celles-ci ne répondent pas adéquatement aux besoins légitimes des gens d'affaires et des consommateurs d'une collectivité ou d'une province, pourrait se traduire par un accroissement des placements et des emprunts. De plus, comme aux États-Unis, le système canadien pourrait exiger que chaque succursale bancaire définisse sa communauté ou son marché et qu'elle réponde ensuite aux besoins de ces communautés. Quant aux banques virtuelles, on pourrait également leur demander de définir les collectivités qu'elles desservent et répondre aux besoins de celles-ci.

La différence la plus évidente entre les institutions financières de dépôt américaines et canadiennes réside dans le fait que, parmi les 10 000 institutions financières américaines, plusieurs n'ont de succursales que dans une seule collectivité. Cependant, malgré les prétentions de l'ABC, la différence de structure entre ces institutions financières n'entrave pas la divulgation détaillée des données des institutions financières canadiennes. L'ABC a prétendu, ainsi que nous l'avons mentionné au début du présent exposé, que les banques canadiennes sont enracinées dans la collectivité et que les services offerts par les succursales sont structurés de manière à répondre aux différents besoins de cette collectivité . En effet, comme la plupart des institutions financières de dépôt américaines sont plus petites que les banques à charte canadiennes, le coût de divulgation des données pourrait avoir des conséquences plus fâcheuses pour plusieurs banques américaines.
Il est important de noter que les exigences américaines n'ont pas empêché, ni la Banque de Montréal, ni la Banque Toronto Dominion d'ouvrir des succursales américaines et qu'elles aient dû se conformer aux lois américaines.
En vertu du système en place aux États-Unis, la Harris Bank of Chicago (propriété de la Banque de Montréal depuis 1993) a signé une entente en 1994 avec le National Training and Information Center (un groupe communautaire de Chicago) par laquelle elle s'engage à allouer :

Toutes ces mesures prises par une succursale de la Banque de Montréal, et rendues publiques, généreront la moitié des profits d'ici l'an 2000. La Banque a en outre annoncé qu'elle allait étendre ses activités à la Floride.

L'écart entre la rhétorique des banques canadiennes et ce qu'elles font aux États-Unis révèle de façon évidente que les banques canadiennes ont tort de prétendre qu'elles ne sont pas en mesure de se conformer au système de divulgation des données des institutions américaines.

(b) Un système conçu au Canada : élément clé de la divulgation des données des institutions financières

La CCRC propose aux institutions financières un système de divulgation de données composé des cinq éléments suivants, basés sur le système américain :

(i) Définition de la collectivité

Étant donné que de nombreuses institutions financières canadiennes ont des succursales dans tout le pays, il faut d'abord définir la collectivité à des fins de divulgation et d'examen réglementaire. La CCRC propose trois définitions qui, à notre avis, amèneraient les services financiers à devoir rendre davantage compte de leurs activités à la population canadienne :

(ii) Divulgation des données

Quel genre de renseignements devraient être divulgués? Le troisième exposé de position de la CCRC (Divulgation par les banques des statistiques des prêts aux entreprises : comment corriger les erreurs du système actuel) précise notre position sur ce qu'il serait approprié de divulguer au chapitre des prêts accordés aux entreprises. Si un système de divulgation des données est établi partout au Canada, la CCRC propose que les critères de divulgation suivants soient inclus dans le système :

Chaque banque à charte canadienne devrait être tenue, en vertu de la loi, de colliger et divulguer annuellement au gouvernement fédéral les renseignements suivants sur les prêts consentis et les placements de chacune de ses succursales :

De plus, les institutions financières devraient, en vertu de la loi, être tenues de colliger et de divulguer annuellement au gouvernement fédéral les renseignements qui suivent sur chaque succursale bancaire, au chapitre des prêts consentis au développement de leurs collectivités (pour les coopératives, notamment, les habitations à prix modiques, les coopératives, les programmes de rachat d'emploi, les organismes à but non lucratif, les institutions financières vouées au développement des collectivités (les fonds d'emprunts, notamment, et les microcrédits) et autres types d'emprunts et de placements similaires) :

De plus, les institutions financières de dépôt devraient, en vertu de la loi, divulguer annuellement au gouvernement fédéral les éléments suivants :

Suivant le système actuel de l'Association canadienne des paiements, les institutions financières de dépôts rendent publics chaque année l'emplacement de leurs succursales et les services bancaires automatisés offerts dans tout le pays. La CCRC propose que les institutions financières divulguent également l'ouverture et la fermeture des nouvelles succursales au cours de l'année.

Les données brutes de chacune des institutions financières devraient être rapportées à Statistique Canada qui les compilerait et en ferait rapport aux fins de l'examen réglementaire. Statistique Canada fournirait annuellement des données à chacune des banques, par circonscription électorale, province, région et effectuerait un cumul des totaux à l'échelle nationale, en respectant les directives qui lui sont imposées, afin que soit protégée la confidentialité des renseignements obtenus sur les emprunteurs.

(iii) Normes de rendement

Les succursales des institutions financières de chaque collectivité pourraient choisir de présenter un plan stratégique ou de se soumettre à une évaluation annuelle basée sur les prêts consentis, les placements, et les services offerts, comme c'est l'usage aux États-Unis (voir la liste à la section II(b)). Chaque institution financière ne serait pas limitée à une option à l'échelle nationale (c'est-à-dire qu'une institution pourrait choisir d'être évaluée suivant un plan stratégique dans certaines collectivités données et se soumettre aux trois tests dans d'autres secteurs). Si une institution financière choisit de présenter un plan stratégique, elle pourrait mettre au point un plan contenant des objectifs mesurables qui correspondent aux trois catégories du test sur le rendement. Le plan stratégique pourrait s'échelonner sur une période maximale de cinq ans, mais devrait se donner des objectifs annuels et mesurables qui incluraient des renseignements détaillés sur les réponses aux demandes de crédit des personnes à faibles et moyens revenus.

Si une succursale choisit les trois tests, les critères compris dans l'examen devraient être tels qu'énumérés plus loin. Pour les prêts consentis aux petites entreprises et au développement des communautés, les institutions financières devraient être jugées en fonction des critères :

  1. le nombre de demandes de crédit consenties et rejetées et les changements dans le nombre total de prêts (et leurs montants) pour chaque catégorie (incluant le nombre de prêts rappelés durant l'année); et
  2. la flexibilité dans les modalités de prêts (particulièrement auprès de ceux qui veulent lancer une entreprise, pour les petites entreprises et les projets de développement communautaire).

Si l'examen des données révèle que certaines catégories ont tendance à être rejetées (par exemple, en fonction de la taille de l'entreprise, du sexe du propriétaire, de l'endroit où se situe l'entreprise ou du type de prêt) et que le taux de défaut de paiements ou de pertes encourues sont semblables à ceux d'autres demandeurs, la banque recevra une moins bonne note que si tous les emprunteurs présentant un risque semblable avaient été traités équitablement.

Au chapitre des investissements dans les petites entreprises et le développement des communautés, les institutions financières devraient être jugées selon les critères suivants :

  1. le nombre de demandes de crédit, consenties et rejetées, et les changements dans le nombre total de prêts (le nombre et le montant total) pour chaque catégorie (incluant le nombre de placements rappelés au cours de l'année); et
  2. la flexibilité dans les politiques de placement (plus particulièrement en ce qui concerne les prêts aux particuliers à revenus moyens ou faibles qui lancent une nouvelle entreprise, ou les prêts qui répondent aux besoins des petites entreprises, et les prêts consentis aux projets de développement communautaire).

Les placements devraient être examinés selon les mêmes critères que les prêts, tels que présentés plus haut, de façon à ce que les institutions financières ne rejettent pas arbitrairement des placements qui présentent des risques raisonnables et qui répondent aux critères de rendement.

La vérification des services offerts par les institutions financières devraient porter sur les six éléments suivants :

  1. le nombre d'ouvertures et de fermetures de succursales bancaires, en particulier dans les milieux à faibles ou moyens revenus, et la répartition de l'ensemble des succursales;
  2. la disponibilité de services de remplacement, notamment les services bancaires électroniques ou téléphoniques, plus spécialement aux endroits où il n'y a pas de succursale bancaire;
  3. si une vérification impartiale des services bancaires de base des institutions bancaires (tel que proposé dans le deuxième exposé de position de la CCRC, Accès aux services bancaires de base : comment garantir le droit à ces services essentiels) révèle que l'institution a abaissé les barrières d'accès aux services (une promesse que la plupart des banques à charte ont faite au gouvernement fédéral, en février 1997);
  4. si les divers services offerts à l'ensemble des collectivités et secteurs avoisinants et dont les revenus diffèrent répondent à leurs besoins spécifiques (par exemple, si l'on offre la possibilité de changer des chèques dans certaines succursales données, si l'on offre des heures d'ouverture prolongées, si l'on offre un soutien aux usagers des services bancaires électroniques ou des services de planification financière);
  5. le nombre de plaintes reçues par succursale bancaire et le taux de résolution de ces plaintes; et
  6. le nombre de poursuites judiciaires intentées par ou contre l'institution financière et le taux de poursuites réglées hors cours, par province et territoire.

Si l'examen des services offerts révèle des tendances, par exemple, la fermeture de succursales dans les secteurs à revenus faibles ou moyens (et les fermetures ne peuvent être justifiées par la divulgation de profits et pertes enregistrés par les banques), le refus de donner accès aux services de base, l'absence de services de remplacement pour répondre aux besoins spécifiques d'une collectivité, et un taux élevé de plaintes non réglées ou un nombre élevé des poursuites judiciaires remportées contre l'institution financière, cette dernière obtiendra une moins bonne note que si elle traitait tous les clients avec équité.

Comme aux États-Unis, les tests ci-haut mentionnés ont été conçus à partir de diverses analyses, quantitatives et qualitatives, avec un certain accent mis sur les analyses quantitatives. Le but de ce système est d'établir des normes de rendement que l'on puisse définir et mesurer, afin que les institutions financières sachent ce qu'elles doivent faire pour obtenir une note de passage. Par ailleurs, les tests ci-haut mentionnés n'ont pas été conçus pour établir des paramètres que les banques doivent suivre, mais plutôt pour mesurer les demandes de crédits, le volume de placements et les services offerts, ainsi que la légitimité des demandes (les risques qu'elles représentent, par exemple), et pour vérifier ensuite si les banques répondent aux demandes légitimes des collectivités dans tout le pays.

(iv) Examen réglementaire du rendement

À l'instar des États-Unis, en répondant aux normes de rendement mentionnées plus haut, les institutions financières devraient pouvoir assurer une saine gestion financière.

Pour évaluer le rendement d'une banque comme on le fait aux États-Unis, en vertu du CRA, les inspecteurs devraient tenir compte de la situation financière de l'institution, de son importance, des entraves d'ordre juridique, de la situation économique de la collectivité et du rendement des autres institutions financières de cette même collectivité.

Après un premier test effectué à partir de différentes analyses quantitatives et qualitatives, une institution financière ne devrait pas être pénalisée pour ses piètres performances, afin de donner le temps aux vérificateurs de mettre au point et de proposer des normes propres à chaque collectivité ou secteur, partout au Canada. Après un deuxième examen, l'institution financière ne devrait être pénalisée que si son rendement ne s'est pas amélioré depuis la première vérification. Après ces deux vérifications, chaque succursale bancaire devrait être jugée suivant la note générale obtenue.

La note générale pour chacune des succursales bancaires et pour chaque institution financière devrait être basée sur les trois tests pondérés comme suit : 40% des points accordés aux tests sur les prêts, 40% des points aux services, et 20% des points aux placements. Cette pondération rend compte du mandat premier des institutions financières de dépôt qui est de consentir des prêts et d'offrir des services aux petites entreprises et aux particuliers, et non pas de faire des placements. Le rendement des succursales de chaque institution financière devrait être évalué de la manière suivante : remarquable, satisfaisant, faible, insuffisant. Il faudrait exiger des succursales qu'elles maintiennent un bon rendement partout. Un faible rendement dans un secteur devrait être compensé par un rendement remarquable dans un autre. Le rendement obtenu devrait être affiché dans chaque succursale. De plus, les données brutes obtenues dans chaque secteur de recensement devraient être mises à la disposition de tout groupe ou particulier qui en ferait la demande formelle auprès de Statistique Canada.

Qui devrait être nommé responsable de la réglementation? Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) devrait continuer à exercer son rôle de vérificateur. Le ministère des Finances devrait quant à lui être responsable de l'examen des données et de l'évaluation du rendement par rapport aux trois tests, tandis que la décision finale concernant les évaluations du rendement et les pénalités reviendraient au ministre des Finances. L'examen des données par rapport aux trois tests devrait être effectué annuellement.

De plus, que les banques aient opté pour un plan stratégique ou pour les trois tests, elles devraient pouvoir répondre à une partie de leurs obligations en établissant un partenariat avec les institutions financières locales. Les institutions financières des collectivités pourraient ainsi tirer profit de ce partenariat en obtenant des capitaux qui leur permettraient de consentir des prêts, de faire des placements et d'offrir des services localement. Ce système a également permis aux banques d'aider les Community Financial Development Institutions (CFDIs) à obtenir des capitaux. Les banques, les institutions financières locales, et les collectivités devraient toutes tirer profit de la possibilité offerte aux banques d'établir des partenariats.

(v) Participation de la collectivité à la vérification du rendement des institutions financières

La loi adoptée devrait également stipuler clairement qu'une période de temps (60 jours, par exemple) soit allouée aux particuliers, groupes communautaires, petites entreprises, gouvernements locaux et autres groupes qui pourraient intervenir de trois différentes façons :

fournir des commentaires écrits sur les plans stratégiques mis en uvre par une succursale bancaire pour accorder des prêts, faire des placements, et offrir des services à la collectivité;

fournir des commentaires écrits sur le rendement des succursales des institutions financières de la collectivité, qui pourront être utilisés lors de l'examen du rendement global de l'institution financière; et

en appeler de l'évaluation d'une succursale bancaire ou d'une institution financière, auprès du ministre des Finances, sa décision étant finale.

(vi) Mesures incitatives pour un meilleur rendement

La CCRC propose que les sanctions suivantes soient imposées aux institutions financières qui n'ont pas obtenu la note de passage dans une ou plusieurs succursales.

Premièrement, les gouvernements locaux et provinciaux devraient avoir explicitement le droit de transiger avec toute institution financière, en se basant sur son rendement divulgué conformément au système d'imputabilité mentionné plus haut. Les gouvernements devraient avoir explicitement le droit de retirer des fonds, d'annuler le financement et les contrats de services d'investissement avec les institutions financières dont les succursales n'ont pas respecté leurs engagements. Les gouvernements devraient également avoir explicitement le droit de fixer un certain niveau de rendement que les institutions financières seraient obligatoirement tenues d'obtenir, avant de signer tout contrat de service avec celles-ci.

Deuxièmement, si une institution financière propose de prendre de l'expansion dans son secteur (une société de fiducie, par exemple, qui prend à sa charge une autre société de fiducie) ou en dehors de son secteur (une banque, par exemple, qui prend une société de fiducie à sa charge) le gouvernement qui réglemente cette expansion devrait avoir explicitement le droit d'empêcher une institution financière de le faire si elle n'a pas obtenu la note de passage.

Troisièmement, un représentant de la haute direction et un membre du conseil d'administration d'une institution financière devraient être tenus, après un avis public d'au moins deux semaines, d'organiser une assemblée publique dans toute communauté où la succursale de l'institution financière n'a pas obtenu sa note de passage. Lors de la réunion, les représentants de l'institution devraient être tenus de noter par écrit les observations des membres de la collectivité relativement au rendement de ladite succursale et de fournir des renseignements détaillés sur les plans qu'entend élaborer l'institution afin d'obtenir sa note de passage à l'avenir.

Quatrièmement, le ministre des Finances devrait avoir le droit d'imposer des amendes, en vertu des lois en vigueur sur les institutions financières, si il (elle) considère qu'elles seraient justifiées. Par exemple, en vertu de la Loi sur les banques, lorsqu'une personne est reconnue coupable, elle est passible d'une amende n'excédant pas 100 000 $ ou d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à douze mois, et une personne morale (une banque dans ce cas-ci) est passible d'une amande pouvant aller jusqu'à 500 000 $.

Finalement, dans son budget de 1996, le gouvernement de l'Ontario a imposé une surtaxe aux banques à charte avec un crédit d'impôt applicable à cette surtaxe pour appuyer les petites entreprises. Toutes les provinces auraient intérêt à adopter une loi similaire pour inciter les institutions financières à maintenir un bon rendement dans leur province et offrir des services non seulement aux petites entreprises, mais à tous les consommateurs. Le gouvernement fédéral, en suivant l'exemple de l'Ontario, pourrait également convertir l'actuelle surtaxe imposée aux banques à chartes en crédits d'impôt pour inciter les institutions financières à maintenir un haut niveau de performance en ce qui a trait aux services offerts aux Canadiens. Au niveau fédéral, les crédits d'impôt applicables à la surtaxe imposée aux banques devraient être consentis suivant le rendement des institutions financières, sur une base juridique uniforme, afin que les bonnes performances réalisées dans certaines provinces ne l'emportent pas sur les piètres performances dans d'autres provinces et que les institutions financières échappent à la surtaxe, tout en continuant à afficher de piètres résultats dans certaines provinces.

VI. Recommandations de la CCRC

  1. Un système d'imputabilité des institutions financières, semblable au système fédéral américain actuellement en place, devrait être adopté au Canada et appliqué aux banques à charte canadiennes, ainsi que nous l'avons mentionné à la section V (b) du présent exposé.
  2. D'autres institutions financières nationales de dépôt devraient être également tenues de rendre compte de leurs statistiques sur les prêts, les placements et les services offerts, et de faire évaluer leurs performances eu égard à ces activités, à l'instar des banques à chartes ci-haut mentionnées. Le temps nécessaire à la mise en place de ce système ne devrait en aucun cas retarder l'adoption d'un système d'imputabilité pour les banques à charte canadiennes, en raison de leur position dominante sur les marchés financiers.
  3. Comme aux États-Unis, la taille des institutions financières devrait être prise en compte dans l'élaboration de chaque système, et les petites institutions financières ne devraient pas avoir à répondre aux mêmes exigences, en terme de divulgation de données et de performance.
  4. Un ombudsman indépendant rattaché à l'industrie des services financiers, qui obtiendrait des fonds des institutions financières sous juridiction fédérale et dont les décisions seraient exécutoires, devrait être nommé par le gouvernement fédéral et il ferait partie intégrante du système d'imputabilité des institutions financières au Canada (pour plus de détails, voir le premier exposé de position de la CCRC : Les ombudsmans bancaires : pourquoi ils devraient être indépendants ).
  5. Toute personne en mesure de prouver qu'elle demeure au Canada, avec une preuve de statut à l'appui, mais sans la nécessité d'une identification élaborée, devrait pouvoir ouvrir un compte auprès d'une institution financière de dépôt, avec frais d'utilisation et services réduits au minimum, ainsi qu'une protection contre les retenues arbitraires et abusives des chèques (pour plus de détails, voir le deuxième exposé de position de la CCRC : Accès aux services bancaires de base : comment garantir le droit à ces services essentiels ).
  6. Les banques canadiennes de juridiction fédérale, les fiducies et les compagnies d'assurance-vie et de santé devraient faciliter le lancement d'un organisme tel le Financial Consumer Organization (FCO) en faisant parvenir le dépliant publicitaire de cet organisme par courrier à leurs clients. S'ils ne le font pas sur une base volontaire, le gouvernement devrait adopter une loi permettant au FCO de solliciter et de joindre de l'information à cet égard dans les envois postaux que les banques de juridiction fédérale, les compagnies de fiducie et les compagnies d'assurance-vie et de santé font parvenir à leurs clients (pour plus de détails, voir le quatrième exposé de position de la CCRC : Une organisation canadienne de consommateurs de produits et services financiers équilibrerait le marché des produits et services financiers).
  7. Si l'accord international pour le secteur financier de l'Organisation mondiale du commerce devaient mener à une plus grande libéralisation du marché canadien des services financiers, l'État devrait ajuster les exigences relatives à la divulgation des pratiques en matière de prêt afin de s'assurer que les banques étrangères et leurs clients soient soumis au système.


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