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Les ombudsmans bancaires Pourquoi ils doivent être indépendantsPremier exposé de position de la CCRC(Septembre 1997) |
Les Canadiens se sont longtemps plaints du service des
banques à charte, en particulier dans le secteur des petites entreprises.
Étant donné le faible taux d'emploi actuel, qui fait de celles-ci
la principale source d'emplois, leurs récriminations ont attiré
l'attention des hommes politiques de toutes allégeances politiques.
Les pressions de ces derniers ont ainsi conduit à une entente entre
le gouvernement fédéral et les banques à charte qui
a permis de créer, entre 1993 et 1995, des postes d'ombudsman. À
noter, toutefois, que les personnes nommées à ces postes
dans chaque banque étaient des employcs. C'est un peu comme si l'on
décidait de poursuivre une banque en justice pour finalement s'apercevoir
que le juge chargé de l'affaire travaille pour cette banque.
Outre ces ombudsmans, le gouvernement fédéral et le secteur
bancaire ont convenu, en 1995, que les banques devaient également
avoir un ombudsman chargé des plaintes impossibles à résoudre
entre les clients et leur banque. Mais comme cet ombudsman est rémunéré
par les banques, on n'a pas de système ayant l'indépendance
nécessaire pour entendre avec impartialité les plaintes des
clients.
Vu la constance des plaintes qui sont adressées aux banques, celles-ci ont ajouté au mandat de leurs ombudsmans la tâche d'examiner toutes les plaintes et non seulement celles des petites entreprises. En raison, toutefois, du mécanisme de nomination des ombudsmans, les consommateurs ne disposent pas d'un organisme indépendant, mais simplement de services des plaintes glorifiés dans les banques. À notre avis, ce n'est pas le désir altruiste de régler les plaintes de la clientèle qui a incité les banques canadiennes à nommer des ombudsmans, mais la volonté de poser un geste de relations publiques leur permettant de devancer toute mesure gouvernementale qui les obligerait à traiter équitablement avec leurs clients.
(b) L'ombudsman bancaire du Canada - Un système faussé
dès le départ
Tous les ombudsmans des banques sont des employés de ces dernières.
L'ombudsman bancaire du Canada, qui traite les plaintes non résolues
entre les banques et leurs clients, existe depuis juillet 1996. Il relève
d'un conseil composé de cinq banquiers et de trois directeurs soi-disant
indépendants, tous nommés par les banques. Bien que le conseil
canadien soit en train d'ajouter deux autres directeurs indépendants,
il restera constitué à moitié de banquiers professionnels.
De toute évidence, le système canadien d'ombudsmans bancaires
n'offre ni la possibilité de se faire entendre en toute équité,
ni des décisions impartiales.
Pour l'année se terminant le 31 octobre 1996, période au cours de laquelle ils devaient se limiter aux plaintes des petites entreprises, les ombudsmans des banques ont reçu 705 plaintes de clients, alors que l'ombudsman bancaire du Canada n'en avait reçu que 18. Il a d'ailleurs récemment publié un rapport indiquant qu'il n'avait reçu que 35 plaintes pendant les six premiers mois de l'exercice (soit jusqu'au 30 avril 1997).
À la publication de son rapport, l'ombudsman bancaire du Canada s'est étonné de ce faible nombre. Certains commentateurs ont d'ailleurs invoqué ce dernier pour justifier le système actuel et affirmer que le public n'est pas vraiment mécontent des services bancaires. Cependant, une telle affirmation ne tient pas compte des importantes lacunes du système:
Pour résumer, le système canadien d'ombudsmans bancaires sert soit à cacher son existence aux consommateurs et aux petites entreprises, soit à allonger le processus pour ceux qui y recourent sans leur assurer qu'il rendra une décision exécutoire. Or, tous ces facteurs ont un effet dissuasif sur ceux qui désirent recourir au système d'ombudsmans.
Le groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers a publié, le vendredi 13 juin 1997, un document de discussion dans lequel il décrit, à la question 2.10, le système d'ombudsmans comme la solution des banques canadiennes pour résoudre les plaintes de la clientèle. Il se limite, ensuite, à se demander si ce modèle devrait s'appliquer à d'autres types d'institutions financières. Nulle part dans son rapport, le groupe de travail n'indique que ces ombudsmans sont des employés des banques, ni que l'ombudsman du secteur bancaire est rémunéré par l'Association des banquiers canadiens. De plus, il n'y mentionne pas le fait que même s'ils tranchent en faveur des consommateurs, ces décisions n'ont pas force exécutoire pour les banques. Enfin, il ne dit rien au sujet des systèmes d'ombudsmans en vigueur dans d'autres pays, ni même s'il désire les examiner afin de voir comment on pourrait améliorer le système canadien.
II. |
Supériorité des systèmes d'ombudsmans bancaires britannique et australien par rapport à celui du Canada |
À notre avis, le document de discussion du groupe de travail devrait informer les canadiens des systèmes d'ombudsmans britanniques et australiens, car ils sont plus équitables pour les consommateurs de bien des façons.
Disons, en premier lieu, que le système britannique, créé en 1986, est indépendant des banques. L'ombudsman est nommé par un conseil indépendant constitué de huit membres, dont cinq sont indépendants et trois sont nommés par les banques. Il existe également un conseil d'administration de cinq à quinze banquiers chargé de choisir trois représentants des banques au sein du conseil indépendant, un choix que celui-ci approuve, à moins d'avoir des motifs raisonnables en faveur du contraire. Pour ce qui est des cinq membres indépendants du conseil, quatre sont nommés par lui en accord avec le conseil d'administration, sauf s'il a des motifs raisonnables de s'y opposer.
Parmi ces quatre membres, on compte d'habitude un universitaire du niveau supérieur, un syndicaliste, un responsable de la défense des droits des consommateurs et une personnalité publique (en général, un diffuseur). Le président du conseil - ce ne peut être un banquier - est nommé par le conseil d'administration en accord avec le conseil, sauf si ce dernier a des motifs raisonnables de s'opposer au choix du premier.
L'ombudsman britannique, dont la nomination est assurée par le conseil indépendant et approuvée par le conseil d'administration, à moins que celui-ci n'ait des motifs raisonnables de la refuser, relève uniquement du conseil indépendant pour ce qui est de l'administration du système en général. De plus, seul ce conseil peut le démettre de ses fonctions. Ajoutons, enfin, que l'ombudsman a l'entière responsabilité des décisions touchant les cas individuels.
Quiconque a obtenu un service d'une banque membre de ce système peut déposer une plainte, y compris les petites entreprises ayant un revenu annuel inférieur à un million de livres (2,25 millions de dollars canadiens). Enfin, le système est gratuit pour tous les plaignants.
Deuxièmement, le financement de l'ombudsman bancaire britannique est assuré par le conseil, de sorte qu'il est, contrairement au système canadien, indépendant des banques. L'ombudsman doit ébaucher un budget de fonctionnement annuel et le soumettre à l'approbation du conseil d'administration, afin qu'il en recouvre les coûts auprès des banques membres. Les petites banques paient un droit fixe de même qu'un certain montant pour chaque plainte. Les grandes banques couvrent, pour leur part, le reste du coût du système, soit le quart au prorata (selon leur nombre de comptes) et les trois quarts au prorata (selon le nombre de plaintes qu'elles transmettent à l'ombudsman).
Troisièmement, les décisions de l'ombudsman ont, pour les banques, force exécutoire jusqu'à raison de 100 000 livres (environ 225 000 dollars canadiens). Les plaintes qui ne sont pas renvoyées aux banques pour y être résolues font l'objet d'un examen. On détermine alors, de façon préliminaire, le moment auquel les parties peuvent en venir à un règlement, sinon on procède à un nouvel examen donnant lieu à une recommandation officielle. Les parties peuvent s'entendre sur celle-ci, mais, une fois faite, elle a force exécutoire pour la banque.
Pour les clients des banques britanniques, le caractère exécutoire des décisions de l'ombudsman et la gratuité de ses services pour les consommateurs constituent un incitatif important à recourir à l'ombudsman. Et les banques en sont conscientes, si bien qu'il y a tout lieu de croire qu'elles préfèrent, à moins d'être convaincues de l'exactitude de leur position, résoudre elles-mêmes les plaintes de leurs clients plutôt que de les voir remonter jusqu'à l'ombudsman.
En 1995, l'ombudsman bancaire britannique a traité 7 424 plaintes. Mais, si l'on ajoute les 2 223 qui ont été reportées en 1994, ce nombre atteint 9 647 plaintes, dont 7 867 étaient admissibles. Après un examen approfondi, le nombre de plaintes renvoyées aux banques pour y être résolues a été de 6 587, dont 1 887 ont été reportées en 1996.
Le système australien ressemble, quant à lui, au britannique. Il relève d'un conseil de sept membres dont trois représentants des banques, trois représentants des consommateurs (ou membres de la collectivité) et un président indépendant. Pour la Consumer's Federation of Australia, il s'agit là d'un système raisonnablement efficace .
III. |
La recommandation du comité de l'industrie: créer un ombudsman indépendant |
Dans un rapport daté d'octobre 1994, le Comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes recommande au gouvernement de créer un bureau indépendant d'ombudsman des banques chargé d'instruire les plaintes de fautes professionelles ou d'incurie dans le système bancaire. Il faudrait, comme au Royaume-Uni, habiliter l'ombudsman à contraindre les banques à indemniser les plaignants pour les pertes financières, vexations ou ennuis subis.
La faible tentative des banques canadiennes de créer un système d'ombudsman bancaire n'a été, en fait, qu'une entreprise de relations publiques de leur part afin de se soustraire à l'objectif du Comité de l'industrie. La question qui se pose est la suivante: pourquoi le gouvernement a-t-il fait si peu et pourquoi n'a-t-il pas mis en uvre la recommandation du comité?
L'annonce constante de profits records dans le secteur bancaire protégé canadien au moment où le désenchantement des consommateurs est aussi important que ces profits montre qu'il s'agit là d'une question fort pertinente. Peut-être faut-il chercher la réponse dans le fait que le gouvernement cherchait à éviter la prise d'une décision que contesterait l'Association des banquiers canadiens. Pourtant, les résultats des récentes élections n'indiquent-ils pas clairement que le public souhaite voir le gouvernement répondre efficacement à ses préoccupations, notamment au sujet des banques.
L'absence d'une description du système d'ombudsman britannique dans le document de discussion du Groupe de travail sur l'avenir financier canadien amène à se demander s'il n'aurait pas suivi l'attitude actuelle du gouvernement fédéral et hésité à faire, aux consommateurs, des recommandations favorables susceptibles d'être contestées par l'Association des banquiers canadiens, comme la mise sur pied d'un système d'ombudsman bancaire indépendant.
Vu les lacunes importantes de l'actuel système d'ombudsman bancaire canadien, la Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire (CCRC) recommande que le gouvernement fédéral adopte les mesures suivantes afin de corriger ces lacunes et d'assurer un système de traitement des plaintes équitable et un ombudsman chargé de défendre les intérêts de la clientèle des banques canadiennes.
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