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Accès aux services bancaires de base: garantir le droit à ces services essentielsDeuxième exposé de position de la CCRC(Octobre 1997) |
Les institutions financières jouent un rôle de premier plan dans le système de paiement moderne, lequel est administré par l'Association canadienne des paiements (ACP). Toutefois, l'accès à ce système est réservé aux seuls détenteurs d'un compte auprès d'une institution financière. Ce n'est qu'avec un compte bancaire que l'on peut tirer des chèques ou se prévaloir des possibilités de paiement électronique. Or, on est en droit d'avancer que, dans une société moderne, l'accès aux services bancaires de base est une nécessité.
Pourtant, une étude publiée en juin 1996 par l'ACEF-Centre
de Montréal en arrive à la conclusion que 3 % des adultes
canadiens n'ont pas de compte auprès d'une institution financière.
D'autres études montrent que ce pourcentage est encore plus élevé
chez les Canadiens à faible revenu. Un sondage effectué en
1995 par la maison Environics révèle que huit pour cent (8 %)
des consommateurs dont le revenu annuel est inférieur à 25 000 $
(selon Statistique Canada il s'agirait d'au moins 400 000 Canadiens)
ne possèdent pas de compte bancaire.
Pourquoi certaines personnes ne disposent-elles donc pas d'un compte auprès
d'une institution financière? Certes, il y en a qui ont choisi de
ne pas avoir de compte en banque. Toutefois, nul ne peut passer à
côté du fait que plus on est pauvre, moins il est probable
que l'on ait un compte bancaire. L'étude de l'ACEF-Centre conclut
qu'il existe plusieurs raisons qui font que certains consommateurs ne font
pas affaire avec les institutions financières. Qu'on pense ici à
la quantité et à la nature des pièces d'identité
requises pour ouvrir un compte; au gel des fonds pendant une période
trop longue; aux frais bancaires de plus en plus élevés;
à la fermeture de certaines succursales dans les quartiers, et finalement,
à une certaine ignorance de la part des consommateurs.
En ce qui concerne la question des pièces d'identité, il
convient de noter que les personnes à faible revenu possèdent
généralement peu de documents d'identification (habituellement
carte d'assurance-maladie, carte d'assurance sociale et acte de naissance).
Étant donné les exigences des institutions financières
en matière d'identification (beaucoup exigent une photo), il n'est
pas rare que certaines personnes à faible revenu se voient refuser
l'ouverture d'un compte en raison d'un manque de pièces d'identités
adéquates.
Un autre facteur qui contribue à limiter l'accès aux services
financiers est la période de gel sur les chèques qui retarde
la remise des fonds au déposant. Les chèques, y compris ceux
émis par les institutions gouvernementales, sont souvent gelés
pendant une période de six (6) à dix (10) jours. Cette période
est nettement plus longue que celle exigée par le système
de paiement canadien pour compenser un chèque.
Comme les familles à faible revenu disposent de peu ou pas d'économies,
le gel d'un chèque pendant une si longue période entraîne
pour elles une manque de liquidités. Les personnes qui se retrouvent
dans cette situation sont alors contraintes d'envisager des solutions de
rechange pour faire face à des obligations telles que le loyer ou
l'achat de nourriture. En conséquence de cela, nous avons assisté
à la prolifération de sociétés de compensation
de chèques telles que Money Mart (qui a vu le jour en 1983 avec
16 succursales et qui en compte maintenant plus de 130). C'est ainsi qu'on
dénombre actuellement environ 150 sociétés de compensation
de chèques au Canada, lesquelles compensent annuellement des chèques
pour une valeur dépassant le milliard de dollars.
La question des frais bancaires est un autre facteur qui dissuade certains Canadiens à faible revenu d'ouvrir un compte auprès d'une institution financière. Personne ne prétend ici que les institutions financières devraient permettre l'ouverture de comptes à perte. Toutefois, le refus obstiné, de la part des institutions financières, de divulguer les données sur leurs coûts nous place dans l'impossibilité de déterminer si le consommateur se fait escroquer ou si les frais bancaires imposés correspondent à un profit équitable. Notamment, le refus inconditionnel des banques de fournir une analyse coûts-rendements des services qu'elles assurent, analyse que fournissent pourtant les autres secteurs réglementés, donne obligatoirement l'impression qu'elles ont quelque chose à cacher. Si tel n'était pas le cas, les banques seraient des plus enclines à fournir l'information nécessaire à la réfutation des allégations de leurs détracteurs.
Une réalité récente qui réduit également la capacité des Canadiens à faible revenu d'ouvrir un compte auprès d'une institution financière est la fermeture de certaines succursales dans les quartiers défavorisés. Cette situation affecte aussi les aînés et les personnes handicapées qui, bien souvent, ne sont pas aussi mobiles que les autres citoyens. S'il est vrai qu'aucune entreprise ne peut être contrainte d'exploiter une succursale qui perd de l'argent, le rôle unique joué par les banques, en plus de la protection réglementaire dont elles jouissent contre la concurrence, font qu'on devrait exiger d'elles, pour le moins, qu'elles divulguent le bénéfice net d'une filiale avant de procéder à sa fermeture.
Le 14 février 1997, M. Doug Peters, alors Secrétaire d'État pour les questions relatives aux institutions financières, a annoncé la série de directives suivantes (acceptées seulement par les grandes banques) réglementant l'accès aux services bancaires de base :
À l'analyse, on constate que ces directives n'ont pas été enchâssées dans une loi ou un règlement. Elles ne s'appliquent donc pas à toutes les institutions financières réglementées par le gouvernement fédéral; celui-ci n'a chargé aucune agence d'en surveiller l'application et aucune amende n'est prévue à l'égard des établissements qui ne respecteraient pas ces directives.
Des articles parus récemment dans les médias ont révélé que la vérification de la solvabilité effectuée par certaines institutions financières se posait en obstacle à l'ouverture d'un compte bancaire, et les recherches menées par la CCRC ont permis de constater que certaines succursales continuaient d'exiger une identification par photo et un solde minimum pour l'ouverture d'un compte. Ces pratiques constituent une violation de l'entente conclue entre M. Peters et l'Association des banquiers canadiens (ABC). Une vérification de la solvabilité comme condition à l'ouverture d'un compte est injustifiée, notamment pour les clients qui n'ont pas besoin de carte de guichet automatique ou qui n'en désirent pas, vu qu'il existe des moyens par lesquels les institutions financières peuvent réduire les risques de pertes associés aux services qu'elles assurent à ce type de clients.
Comme ces pratiques surviennent sept (7) mois après la conclusion de l'entente entre le gouvernement fédéral et l'Association des banquiers canadiens sur les lignes directrices énumérées plus haut, ces pratiques font ressortir le besoin de mesures précises ayant force exécutoire afin de s'assurer que toutes les succursales bancaires donnent accès aux services bancaires de base à toutes les personnes résidant au Canada.
II. |
Garantie du droit à l'accès aux services bancaires de base : prendre modèle sur les autres juridictions |
À mesure qu'on progresse dans l'ère de l'information électronique, détenir un compte auprès d'une institution financière devient de plus en plus essentiel pour fonctionner efficacement dans la société. Par conséquent, tous les résidents du Canada devraient pouvoir disposer d'un compte bancaire.
Dans d'autres juridictions, le droit aux services bancaires de base a été enchâssé dans la loi. Ainsi, en France, si un résident du pays peut prouver que deux banques l'ont rejeté comme client, la Banque de France désignera alors d'office une institution qui recevra le mandat d'accepter ce nouveau client. Aux États-Unis, plusieurs États, dont l'Illinois, le Massachusetts, le Minnesota, le New Jersey et l'État de New York exigent des banques qu'elles offrent des services de base à tous leurs citoyens.
On peut qualifier ces services bancaires d'essentiels. Le principe qui sous-tend la loi sur l'accès aux services bancaires de base est la reconnaissance du fait qu'un compte en banque est un besoin élémentaire. Les questions-clés auxquelles le Canada doit répondre sont les suivantes : Quels services une institution financière devrait-elle inclure dans un compte de base? Quels frais devrait-elle exiger du consommateur pour un tel compte?
Une possibilité consisterait à examiner la Loi sur les banques de l'État de New York, laquelle fixe aux frais bancaires un plafond mensuel de 3 US$ pour un compte autorisant huit (8) retraits par mois. Si une banque de l'État de New York est en mesure d'offrir, sans subir de pertes, de tels comptes de base, il n'y a aucune raison pourquoi une banque à charte fédérale ou une autre institution financière devrait refuser ce même type de service aux Canadiens.
Pour ce qui est de la vérification de la solvabilité à l'ouverture d'un compte, les institutions financières affirment qu'elles se doivent de connaître les antécédents d'un sujet afin de déterminer les risques associés à l'ouverture d'un compte pour cet éventuel client. Cependant, comme toutes les transactions effectuées par un client qui n'a pas besoin de carte de guichet automatique ou qui n'en désire pas sont traitées par un employé de l'institution financière, ce dernier peut écarter les risques qui se poseraient pour l'établissement. Par conséquent, il ne devrait pas être exigé d'une personne qui ouvre un compte sans carte de guichet automatique qu'elle autorise l'institution financière à procéder à une vérification de sa solvabilité.
De plus, les institutions financières ne devraient pas avoir le droit d'invoquer une mauvaise cote de solvabilité comme motif de refus d'ouverture d'un compte, même aux personnes qui désirent avoir accès aux services bancaires automatisés. Quelle que soit sa cote de solvabilité, le détenteur d'un tel compte ne peut représenter qu'un seul risque (hormis une erreur de traitement de transaction par un employé) pour l'institution : à savoir s'il dépose un chèque sans provision ou une enveloppe vide dans le guichet automatique et qu'il retire par la suite de l'argent sur la foi du montant ainsi déposé frauduleusement. Pour écarter ce risque, les institutions financières peuvent tout simplement geler les fonds déposés par les clients dont la cote de solvabilité est mauvaise jusqu'à ce que ces fonds aient été débloqués par le système.
Quant à la question de l'imposition de périodes de gel excessivement longues sur les fonds déposés, une autre innovation américaine, le Expedited Funds Availability Act ou EFAA (Loi sur l'accélération du traitement des fonds) peut également servir de modèle à notre pays. Cette loi réglemente la période pendant laquelle les dépôts peuvent être gelés. Dans le cas de dépôts à la succursale ou de virements interbancaires, la loi exige que les fonds soient mis à la disposition du déposant dès le premier jour ouvrable suivant le dépôt. La même contrainte s'applique aux chèques émis par le Trésor américain endossés par le bénéficiaire. De plus, un montant de 100 $ doit être mis à la disposition du client dès le premier jour ouvrable suivant le jour de l'acceptation du dépôt (excepté dans certaines circonstances particulières, comme par exemple dans le cas de chèques d'un montant très élevé ou de comptes qui ont été mis à découvert à maintes reprises). De plus, il est interdit aux institutions financières de geler les fonds déposés dans un compte déjà approvisionné au montant déposé.
Les documents publiés par l'Association canadienne des paiements
(ACP) établissent clairement que les institutions financières
canadiennes pourraient se conformer à de pareilles normes. Cette
vue ressort d'un échange épistolaire entre la Coalition canadienne
pour le réinvestissement communautaire (CCRC) et l'ACP. Quand on
lui a demandé si l'ACP pourrait satisfaire aux normes d'une loi
semblable à l'EFAA américain, M. Robert Hammond, directeur
général de cet organisme, a répondu par écrit
que le système de compensation et de règlement canadien est
plus efficace que celui des États-Unis .
Les normes de l'ACP rendent très peu probable qu'un chèque
mette plus de trois jours à recevoir compensation s'il est émis
à partir d'une institution financière canadienne et s'il
est déposé dans un compte géré par une autre
institution financière canadienne. Par conséquent, même
dans le cas d'une personne dont la cote de solvabilité serait mauvaise,
l'institution financière serait en mesure de débloquer les
fonds déposés plus rapidement que de nombreux établissements
qui gèlent présentement les montants déposés
pendant six (6) à dix (10) jours.
Un autre problème qu'il convient d'aborder est celui de la réduction des effets de la fermeture de succursales bancaires dans les quartiers défavorisés. De telles fermetures ont été observées les quartiers de Pointe St-Charles à Montréal, de Regent Park à Toronto et de Eastside à Vancouver.
Le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique a réglé de façon coûteuse pour lui le problème de la fermeture de nombreuses succursales dans le quartier Eastside de Vancouver et de la perte de services qui s'en est suivie en mettant sur pied la banque Four Corners. La création de cette banque a suscité la controverse parmi les membres de la collectivité concernée. Aucune banque ou caisse populaire n'a été abordée par le gouvernement provincial et ne s'est vue offrir la subvention accordée à la banque Four Corners en retour de la prestation de services bancaires de base. De plus, le gouvernement provincial a passé outre au désir de beaucoup de membres de la collectivité d'établir une caisse populaire. Cette expérience démontre que les mesures prises pour permettre aux collectivités l'accès aux services bancaires de base doivent être planifiées conjointement avec elles et conformément à leurs désirs.
Finalement, certains avancent que les transactions électroniques par téléphone ou par les réseaux informatiques représentent la panacée pour ceux qui n'ont pas un accès suffisant aux services offerts par les succursales bancaires. Cependant, il est difficile de s'imaginer que le Canadien à faible revenu courra s'acheter un ordinateur pour profiter des transactions bancaires virtuelles, alors qu'il a été démontré que le téléphone est un luxe pour bien des personnes à faible revenu. De plus, les systèmes de transactions bancaires par téléphone ou par ordinateur ne permettent pas le dépôt de chèques, service essentiel aux personnes à faible revenu. Bien que le dépôt direct des chèques d'aide sociale puisse permettre à certaines personnes de contourner l'obstacle de l'accès aux services, un tel système n'élimine pas les barrières placées devant d'autres services de base, tels que le retrait d'argent comptant. Qui plus est, la première banque virtuelle au pays, la Banque Citizens du Canada, procède à une vérification de la solvabilité avant de permettre l'ouverture d'un compte. Bien des personnes à faible revenu n'ont pas de dossier de solvabilité et ne peuvent satisfaire à cette exigence.
Au vu du fait que tous les résidents du Canada ne disposent pas d'un compte auprès d'une institution financière, à cause principalement des obstacles à l'accès posés par les institutions financières, il convient d'apporter des changements pour s'assurer que ces établissements traitent tous les consommateurs équitablement eu égard à la prestation de services bancaires de base. Par conséquent, la Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire (CCRC) fait les recommandations suivantes:
C.P.1040, Succ.B,
Ottawa Canada K1P 5R1
Tél: (613) 789-5753
Téléc: (613) 241-4758
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