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Divulgation par les banques des statistiques des prêts aux entreprises
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"Les petites entreprises jouent un rôle fondamental et de plus en plus important dans notre économie. Depuis 1992, elles sont à l'origine de presque toute la croissance nette de l'emploi au Canada. Le rôle de l'État consiste à créer un environnement économique favorable, un environnement dans lequel les petites entreprises pourront se développer, prospérer et continuer d'assurer la croissance économique du pays l'État, qui estime que les banques ont le devoir particulier d'accorder un appui financier aux petites entreprises, entend coopérer avec celles-ci pour établir des modèles d'évaluation qui serviront à mesurer leur rendement au chapitre des prêts aux petites entreprises."
Citation du ministre fédéral des Finances
Paul Martin et du ministre de l'Industrie John Manley, dans la préface de Small Business: A Progress Report (Les petites entreprises : rapport d'étape), mars 1995. |
Certaines régions du Canada (les Maritimes et les provinces de l'Ouest) soutiennent depuis longtemps que les institutions financières du pays n'existent que pour servir les besoins des provinces centrales. Au début des années 90, les plaintes contre le favoritisme régional de la part des banques ont cédé à la perception selon laquelle les banques s'adonnent à une discrimination systématique à l'encontre des petites entreprises pour ce qui est des pratiques en matière de prêt. Cependant, on ne dispose pas encore de données complètes permettant de confirmer ou d'infirmer ces soupçons.
Et pourquoi est-ce qu'on ne dispose pas de données complètes permettant de confirmer ou d'infirmer ces soupçons de discrimination de la part des banques? Essentiellement parce que les exigences posées aux banques quant à la divulgation détaillée de leurs pratiques en matière de prêt étaient soit inexistantes, comme c'était le cas il y a cinq ans, soit insuffisantes, comme c'est le cas présentement. Même si le gouvernement fédéral a protégé les banques à charte canadiennes de la compétition internationale à grande échelle depuis 1967, il n'a jamais promulgué de lois allant dans le sens d'une exigence de divulgation pour s'assurer que celles-ci satisfont les besoins en crédit légitimes des Canadiens et des entreprises canadiennes, notamment les petites entreprises.
Les avocats des petites entreprises se plaignent depuis longtemps de l'accès insuffisant au capital pour ces entreprises ou pour les entreprises débutantes. Des enquêtes menées par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) auprès de ses 80 000 membres ont révélé que le problème de l' accès au capital se perpétue, surtout quand on compare notre pays aux États-Unis. Les répondants rangent toujours cette question parmi leurs dix principales préoccupations, et le nombre de petites entreprises signalant des difficulté d'accès au capital a doublé, passant de 20 p. cent qu'il était en 1990 à 40 p. cent en 1996 (l'étude menée en juin 1996 plaçait la question de l'accès au capital au sixième rang des préoccupations). Par contraste, les répondants aux enquêtes menées par le pendant américain de cet organisme, la National Federation of Independent Business (NFIB), au cours des dix dernières années, n'ont jamais accordé plus qu'une 43e place à cette question (elle occupait la 63e place dans l'enquête de 1996). Ces enquêtes, ainsi que les récriminations des petites entreprises, vues sur la toile de fond du fait que le volume des prêts commerciaux de moins de 200 000 $ consentis par les banques à charte est tombé de 21,7 milliards de dollars qu'il était en 1989 à 17,9 milliards au milieu de l'année 1993 (ce sont les statistiques de la Banque du Canada qui le révèlent), ont attiré, à l'époque, l'attention de plusieurs députés.
Les préoccupations des députés étaient d'autant plus grandes que des études menées par le gouvernement fédéral montraient que ce sont les petites entreprises qui sont la locomotive de la création d'emploi au Canada. D'après les informations du gouvernement canadien, 98 % de toutes les entreprises occupent moins de 50 employés (88 % en comptent moins de cinq), 53 % des Canadiens travaillant dans le secteur privé sont soit travailleurs autonomes ou employés par une entreprise occupant moins de 100 employés, les petites entreprises sont à l'origine de 80 % de la croissance du nombre d'emploi au cours des 15 dernières années, et ces entreprises ont contribué pour 38 % du produit intérieur brut en 1991.
Le nombre grandissant de plaintes émanant des petites entreprises a poussé le Comité de l'Industrie de la Chambre des communes à passer à l'action en 1994. En octobre de cette année-là, après quelques mois de séance, le comité a publié un rapport intitulé Taking Care of Small Business. La deuxième recommandation du rapport pressait les banques à publier des statistiques sur les prêts accordés aux petites entreprises, statistiques qui seraient basées sur une compilation trimestrielle des données en fonction de la taille de l'entreprise (nombre d'employés et volume des ventes), du type d'entreprise (principal secteur d'activité), de son emplacement géographique (municipalité) ainsi qu'en fonction de l'identité de l'emprunteur, entre autres le sexe du propriétaire de l'entreprise.
Les séances du Comité de l'Industrie tenues en mars 1995 ont donné aux différentes banques la possibilité d'y aller de leurs commentaires sur ces recommandations. Le 24 octobre 1995, à la suite de ces séances et d'autres délibérations, le Comité de l'Industrie a publié son rapport Performance Benchmarks for Small Business Financing by Banks. Le comité y propose que les statistiques des banques sur les prêts soient présentées en fonction des critères suivants :
Le comité a aussi recommandé que les banques élaborent, d'ici le 31 octobre 1996, une méthode statistique appropriée de suivi des informations sur les rejets de demande de prêt en fonction du montant demandé, de la taille de l'entreprise (nombre d'employés et volume des ventes), du secteur d'activité, du sexe de l'entrepreneur et de la municipalité.
Les propositions détaillées du Comité de l'Industrie ont amené l'Association des banquiers canadiens (ABC) à formuler une contre-proposition. Durant une séance du comité tenue au début de novembre 1995, on a négocié un système de divulgation des données sur les prêts et un calendrier d'application du système.
La proposition initiale de l'ABC était basée sur des consultations entre les banques et le Ministère des Finances. Elle prônait l'établissement de statistiques sur le crédit aux petites et moyennes entreprises en fonction de trois catégories, soit les prêts de moins de 500 000 $, de 500 000 $ à 1 million $ et de 1 million à 5 millions $. De toute évidence, un seuil minimum de 500 000 $ est peu utile pour l'analyse des pratiques de banques en matière de prêt, car il mène à la confusion en un seul et même groupe des entreprises de tailles différentes, par exemple celles ayant une limite de crédit de 450 000 $ et celles en ayant une de 30 000 $. Par conséquent, sous la pression du Comité de l'Industrie, on a porté le nombre de catégories de montant du prêt de trois (3) à huit (8). La catégorie initiale regroupe maintenant les prêts de moins de 25 000 $, et les statistiques à base de ces huit catégories font l'objet d'une divulgation depuis le troisième trimestre de 1995.
À la suite des négociations entre l'ABC et le gouvernement fédéral, le système de divulgation de données actuel sur les prêts, auquel participent sept (7) banques (la Banque Royale, la Banque CIBC, la Banque de Montréal, la Banque de Nouvelle-Écosse, la Banque Toronto Dominion et la Banque de Hong-Kong du Canada), prévoit la divulgation des éléments d'information suivants:
Essentiellement, le Comité de l'Industrie et le gouvernement dans son ensemble ont mis de côté le projet d'exiger des banques qu'elles révèlent les autorisations de crédit en fonction du sexe des entrepreneurs, de la municipalité, de l'âge de l'entreprise, du volume des ventes annuelles, du nombre d'employés et en fonction des prêts à l'exploitation et des prêts à terme. De plus, on n'a pas exigé des banques qu'elles mettent au point des méthodes statistiques fiables de collecte d'information sur les demandes de prêt rejetées. Par conséquent, le gouvernement fédéral a effectivement renoncé l'engagement pris en 1995 par le ministre de l'Industrie John Manley et le ministre des Finances Paul Martin (voir la citation placée en exergue du présent exposé de position) d'établir des modèles d'évaluation qui permettraient de mesurer le rendement des banques au chapitre des prêts accordés aux petites entreprises.
Aux États-Unis, depuis le milieu des années 70, l'obligation pour les banques de divulguer les statistiques sur les prêts hypothécaires a permis aux citoyens et au gouvernement de suivre de façon très efficace le rendement des institutions financières au chapitre des prêts. En vertu du Home Mortgage Disclosure Act (HMDA, Loi sur la divulgation des prêts hypothécaires ), la quasi-totalité des 10 000 banques américaines et des autres institutions financières sont tenues de révéler le nombre de personnes faisant une demande de prêt hypothécaire, le nombre d'approbations et de rejets, et de présenter les statistiques en fonction de la race, du sexe, du niveau de revenu et du lieu de résidence de l'emprunteur. L'institution financière peut également expliquer pourquoi telle ou telle demande est rejetée. Seules les banques les plus petites (moins d'une centaine) sur le plan des actifs ne sont pas tenues de révéler ces données.
Ces éléments d'information doivent être accessibles publiquement à chaque succursale, et sont réunis à l'échelle nationale par des inspecteurs fédéraux. De plus, des changements apportés récemment à la loi fédérale américaine appelée le Community Reinvestment Act (CRA) ont étendu quelques-unes de ces exigences de divulgation aux petites entreprises, aux petites fermes, aux prêts au consommateur; plusieurs États possèdent leurs propres lois qui, dans certains cas, étendent les exigences de divulgation à d'autres domaines. Dans tous les cas, l'information qui permettrait d'identifier un demandeur de prêt n'est pas divulguée, afin de protéger la vie privée des emprunteurs.
Le HMDA et les lois propres à certains États ont été promulgués afin que les inspecteurs fédéraux puissent avoir accès à l'information sur les banques, les épargnes et les prêts, les caisses populaires et les autres établissements d'épargne et société de prêts hypothécaires nécessaires pour:
Le CRA a été amendé afin d'inclure la divulgation d'autres données sur les prêts, essentiellement pour les raisons déjà mentionnées. Le système américain est efficace, car il permet de suivre les demandes de prêts et les taux de rejet, il est utile aussi car il permet de s'informer sur les prêts en fonction de critères divers. Ainsi, le inspecteurs ont été en mesure de déterminer qu'à l'échelle des États-Unis, si l'on est Noir, on court un risque deux fois plus grand de voir sa demande de prêt hypothécaire rejetée que si on ne l'est pas mais qu'on dispose du même revenu et qu'on vit dans le même quartier. Les inspecteurs, avec des regroupements de citoyens ou les groupes communautaires, peuvent également suivre le rendement des banques au chapitre des prêts en fonction des quartiers.
Par contraste, au Canada, avec le système actuel de divulgation des données sur les prêts, l'État ne peut déterminer si les banques répondent à la demande en prêts des entreprises, si le taux de rejet des demandes de prêts faites par les petites entreprises est plus élevé que celui des grandes entreprises, si les entreprises présentes dans certaines collectivités ou uvrant dans certains secteurs d'activité sont plus souvent rejetées que d'autres ou s'il existe des schémas de rejet qui seraient inacceptables.
Au congrès national du Parti Libéral du Canada tenu en octobre 1996 à Ottawa, des résolutions prioritaires proposées par trois associations provinciales du parti ont été adoptées par les 2 000 délégués venus de partout au Canada. Venant à l'appui de la position du ministre des Finances Paul Martin et du ministre de l'Industrie John Manley exposée au début du présent document, les résolutions suggéraient la promulgation d'une législation inspirée des lois américaines exposées plus haut, qui exigerait entre autres des banques:
Cette information permettrait aux Canadiens et à l'État de connaître le risque réel associé aux prêts accordés à certains secteurs de l'industrie et à certaines collectivités et, par conséquent, de juger si les banques répondent au besoin légitime en capital dans ces secteurs et dans ces collectivités. Dans l'intention de se pencher sur le même problème, le programme électoral des Conservateurs pour 1997 s'engageait à exiger des banques qu'elles publient des dossiers détaillés sur les prêts aux petites entreprises sur une base régionale afin de permettre aux Canadiens de comparer le rendement et l'engagement de leurs institutions financières envers la création de capital d'emprunt pour les entreprises petites ou débutantes . Les programmes électoraux du NPD et du Bloc québécois contenaient également des propositions semblables au sujet des exigences de divulgation des données sur des pratiques des banques en matière de prêt.
II. |
Résultats et analyse du système actuel de divulgation des données sur les prêts aux entreprises : les erreurs fatales |
Même si on pourrait être tenté de féliciter les banques et le gouvernement fédéral d'avoir négocié le système actuel de divulgation des données sur les prêts consentis aux entreprises, il serait plus approprié de se demander dans quelle mesure ce système nous permet de déterminer si les banques répondent aux besoins en crédit des entreprises et des collectivités qu'elles sont censées desservir. Nous en sommes venus à la conclusion que le système actuel est entaché d'erreurs fatales et qu'il est inadéquat à plusieurs égards. Qu'on veuille bien considérer les points suivants.
Le premier défaut du système de divulgation des données réside dans le fait qu'il s'agit d'un système volontaire, qui impose des normes minimales quant la forme dans laquelle les statistiques doivent être publiées. Par conséquent, l'Association des banquiers canadiens (ABC) divulgue ses données dans des rapports trimestriels qu'elle accompagne de sommaires présentant une analyse des statistiques sous un jour des plus favorables qui soit pour les banques.
Ainsi, les sommaires du rapport trimestriel de l'ABC contiennent toujours une analyse des prêts aux petites et moyennes entreprises basée sur les prêts de moins de 1 millions de dollars, analyse dans laquelle on se targue chaque fois d'une augmentation des prêts dans cette catégorie. Cependant, un simple examen des statistiques révèle que le contingent des clients ayant une autorisation de prêt de 50 000 $ ou moins constitue 54 % des emprunteurs, que ceux recevant 100 000 $ ou moins représentent 69 % de la masse des clients, tandis que 85 % des utilisateurs de crédit ont droit à des autorisations de crédit de moins de 250 000 $. Ces statistiques font ressortir qu'il est extrêmement rare pour les petites entreprises d'avoir accès à un crédit de plus de 250 000 $.
Fondés sur ces statistiques, les sommaires des rapports des banques distordent la vraie nature de leurs pratiques en matière de prêts aux petites entreprises, car on y regroupe 85 % des clients dans la catégorie des prêts de 250 000 $ et moins et les 10 % des clients dans la catégorie des prêts de 250 000 $ à 1 million $.
Une analyse des statistiques préparées par l'ABC sur les catégories de prêt les plus basses (il s'agit d'une comparaison entre la situation au 31 décembre 1995 et celle au 31 décembre 1996), publiée le 5 septembre 1997, révèle que, contrairement à ce que soutient cet organisme, l'appui accordé aux petites entreprises a décliné, à savoir de la façon suivante:
Les sommaires de rapport de l'ABC ne fournissent pas non plus d'analyse des changements touchant les prêts aux grandes entreprises. On est en droit se demander pourquoi. Une des raisons expliquant l'absence de cette analyse est peut-être que celle-ci infirmerait les allégations des banques voulant qu'elles se concentrent sur les besoins en capital de la petite entreprise. Une simple analyse des statistiques de l'ABC révèle que les prêts à la grande entreprise ont augmenté pendant l'année. Des 18 milliards de dollars supplémentaires consentis à titre de prêt pour l'année 1996, 15 milliards (83 %) l'ont été par tranches dépassant les 5 millions de dollars, soit une augmentation de 4,8 % dans cette catégorie de prêts. Toutefois, pendant la même année, le nombre de clients ayant droit à un crédit de 5 millions de dollars a chuté de 13 %. En résultat de tout cela, au mois de décembre 1996, les clients ayant droit à une autorisation de crédit supérieure à 5 millions de dollars ne représentaient que 1,24 % du nombre total de clients, mais recevaient 75 % des crédits consentis (comparativement à 1,47 % du nombre total de clients et 74 % des crédits totaux accordés au 31 décembre 1995). En d'autres mots, en 1996, les banques ont consenti des sommes plus importantes à un nombre plus réduit de clients. Par opposition à la situation actuelle, si le système de divulgation avait force de loi, les banques pourraient être tenues de produire des statistiques ventilées selon les différentes catégories de montant prêté, ainsi que selon toute autre catégorie que l'État jugerait essentielle à l'obtention d'un tableau exact des pratiques des banques en matière de prêt, en vue de la conception de ses politiques.
La deuxième erreur du système actuel de divulgation des données sur les prêts concerne le fait que la catégorie de montant prêté la plus petite saisie par les statistiques est de 25 000 $. Cette catégorie regroupe toutefois 40 % des clients commerciaux des banques. De toute évidence, cette catégorie est trop large pour être statistiquement utile à l'analyse des différents types de petites entreprises qui ont ces besoins réduits en crédit.
Nous estimons que la divulgation des données sur les prêts inférieurs à 5 000 $ est nécessaire pour permettre l'analyse des prêts aux microentreprises, entre autres celles situées dans un domicile et qui sont l'initiative de travailleurs autonomes. Les démographes ont prédit une croissance importante de cette catégorie d'entreprises au cours de la décennie à venir. Savoir si les banques répondent aux besoins en crédit de ces entreprises sera de plus en plus important pour tout gouvernement fédéral ayant à c ur de créer un environnement économique favorable dans lequel les petites entreprises pourront s'épanouir, prospérer et continuer à favoriser la croissance dont le Canada a besoin.
La troisième erreur du système actuel de divulgation des données sur les prêts réside dans le fait que les statistiques de l'ABC ne nous renseignent que sur l'offre de crédit et non sur la demande, qu'il s'agisse du nombre de clients demandant un prêt ou du total des montants demandés. Savoir combien de crédit a été consenti par la banque nous apprend peu de chose tant qu'on ne sait pas combien les entreprises de différentes tailles ont demandé. Par exemple, bien que nous sachions maintenant qu'environ 3 % du crédit accordé aux entreprises par les banques l'est sous forme de prêts de 100 000 $ consentis à 500 000 clients, nous ne savons pas si les banques ont reçu les demandes de plus d'un million de clients pour un total de 6 % du crédit aux entreprises.
En conséquence de cette erreur, quand nous sommes placés devant des statistiques montrant une stagnation des prêts inférieurs à 100 000 $ en 1996, les banques n'ont qu'à se défendre en disant que la demande a dû demeurer constante et qu'elles n'ont fait que continuer à y répondre. Le gouvernement fédéral ne peut en rien réfuter cette allégation, car les banques ne sont pas tenues de divulguer les statistiques qui permettraient de la confirmer ou de l'infirmer. La même situation se présenterait chaque fois que le volume des prêts à un secteur d'activité particulier ou à une région particulière stagnerait ou baisserait dans l'avenir.
Les banques prétendent qu'elles ne peuvent tenir de statistiques sur le nombre de demandes de prêts et que, par conséquent, elles ne peuvent suivre les autorisations et les rejets, parce que prétendument elles ne peuvent distinguer les demandes de prêt des simples demandes d'information. On serait bien prêt à ajouter foi à ceci jusqu'à ce qu'on prenne connaissance de l'allégation des banques selon laquelle, d'après des enquêtes, plus de 80 % des demandes de prêts venant des petites entreprises sont approuvées. Si les banques sont en mesure de déterminer, dans le cadre d'une enquête, si quelqu'un fait une demande de prêt ou non, alors pourquoi ne peuvent-elles pas le faire à des fins statistiques pour toutes les demandes de prêts, et rendre compte ainsi des autorisations et des rejets.
La tenue de statistiques par les banques sur les approbations et les rejets équivaut aux exigences de divulgation des données posées par les lois fédérales américaines (Home Mortgage Disclosure Act (HMDA) et Community Reinvestment Act), auxquelles se conforment des milliers de banques, dont certaines sont bien plus petites que nos banques à charte (tel que nous l'avons décrit à la section 1 (b)). Par leurs propres agissements, les grandes banques canadiennes viennent contredire leurs allégations quant à la difficulté de garder trace des demandes de prêt. Deux des banques à charte canadiennes (la Banque de Montréal et la Banque Toronto Dominion) possèdent des filiales aux États-Unis, lesquelles sont capables de se conformer aux exigences américaines sans compromettre leur rentabilité.
La quatrième erreur du système actuel de divulgation des données a trait au fait qu'aux fins des rapports, le Canada n'est divisé qu'en huit (8) régions. Cela est nettement insuffisant pour analyser la question de savoir si les banques répondent aux besoins de crédit des collectivités (ou même de certaines provinces) desquelles elles acceptent les dépôts. Le besoin d'une ventilation plus détaillée se fait sentir afin de suivre le rendement des banques en matière de prêt aux collectivités du pays. Quelle ventilation serait convenable? Il semble approprié d'exiger des banques qu'elles fournissent des données pour tous les secteurs de recensement, avec des statistiques globales pour chaque circonscription fédérale, pour chaque province et pour chaque région. Exiger que les banques divulguent les données sur le crédit en fonction des circonscriptions représentées au Parlement permettrait aux députés de déterminer la mesure dans laquelle leur circonscription est servie par les banques qui y sont présentes.
Les banques ont avancé qu'une telle ventilation des données serait trop compliquée à produire. Pourtant, un tel traitement de l'information équivaut aux exigences de divulgation des données en vertu des lois fédérales américaines (Home Mortgage Disclosure Act (HMDA) et Community Reinvestment Act) mentionnées plus haut. Comme nous le faisions remarquer, deux des banques à charte canadiennes (la Banque de Montréal et la Banque Toronto Dominion) possèdent des filiales aux États-Unis; or, elles sont toutes deux capables de se conformer aux exigences de la loi américaine sans compromettre leur rentabilité.
La cinquième erreur du système actuel de divulgation des données a trait au fait que l'information importante, comme par exemple les taux d'approbation ou de rejet des demandes (catégorisés en fonction du nombre d'employés de l'entreprise, de son volume des ventes et du sexe du demandeur) n'est pas colligée systématiquement, mais qu'elle est plutôt recueillie dans le cadre d'enquêtes commandées par l'ABC. Ces études, menées par la firme Thompson, Lightstone et Company de Toronto pour le compte de l'ABC en 1995 et 1996, présentent plusieurs failles.
D'abord, l'ABC a étudié des entreprises dont les ventes sont inférieures à 50 millions de dollars et qui emploient moins de 500 personnes; de tels critères passent outre, et de beaucoup, aux petites et moyennes entreprises canadiennes (moins de un pour cent des entreprises canadiennes comptent plus de 500 employés). Ensuite, l'échantillon considéré est très petit, il retient surtout les entreprises plus importantes et est statistiquement insignifiant dans la catégorie des entreprises débutantes. Plus précisément, les résultats se sont fondés sur les réponses données avant tout par des entreprises relativement grandes déjà existantes (comptant plus de 50 employés) et au plus par 200 entreprises débutantes qui s'étaient tournées vers les banques pour obtenir un appui financier. Cet échantillon représente une très petite portion des 720 000 clients intéressés à emprunter auprès des sept grandes banques canadiennes. Troisièmement, l'étude de 1996 a été menée en conjonction avec la Chambre de commerce du Canada, dont font partie des banques ; on aurait préféré voir à cette place une organisation plus représentative des intérêts des petites entreprises.
Également, l'enquête de 1997 exagère le niveau de services rendus aux petites entreprises, et révèle un niveau élevé de financement des petites entreprises au moyen de cartes de crédit personnelles (41 %) ou commerciales (24 %). L'étude conclut que ce niveau d'utilisation des cartes de crédit s'explique par des raisons de commodité pour les propriétaires d'entreprise. Cependant, le mot commodité n'est pas défini. Étant donné que les cartes de crédit constituent une mode de financement coûteux, on a de bonnes raisons de croire que la commodité consiste à éviter l'ennui d'avoir à faire une demande de prêt à un taux d'intérêt beaucoup plus intéressant auprès d'une banque.
Dans l'ensemble, si l'on considère les études menées par l'ABC au cours des deux dernières années, il appert clairement que les enquêtes commandées par l'ABC sont un moyen inadéquat et non valable d'observer l'évolution des besoins en capital de la petite entreprise, ainsi que les approbations et les rejets de demandes de prêt. Les enquêtes ne peuvent être aussi complètes qu'une divulgation intégrale des données et ne peuvent notamment faire état des pratiques des banques en matière de prêt face aux entreprises débutantes qui font une première demande auprès d'une banque (particulièrement si la demande de prêt est rejetée). C'est donc une grave erreur que de se fier aux données tirées des enquêtes de l'ABC aux fins de mise au point des politiques.
Une dernière erreur du système actuel vient du fait que les statistiques compilées et divulguées par les banques au gouvernement fédéral, ainsi que les données brutes des enquêtes de l'ABC et les sommaires des rapports ne sont pas disponibles en format électronique, ce qui complique leur analyse par le gouvernement fédéral ou par les autres parties intéressées.
La CCRC recommande que le gouvernement fédéral prenne les mesures suivantes afin d'assurer un niveau plus élevé de transparence dans les pratiques des banques en matière de prêt, en conformité avec les recommandations formulées par le Comité permanent de l'Industrie de la Chambre des communes dans son rapport d'octobre 1995, et afin de s'assurer aussi que tous les Canadiens et leur gouvernement soient au fait des risques réels associés aux prêts à certains secteurs d'activité et à certaines collectivités, et qu'ils puissent par conséquent déterminer si les banques répondent aux besoins légitimes en capital de ces secteurs et de ces collectivités.
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