[home]

CCRC

Une prise de contrôle injustifiée :

Évaluation du rendement de la Banque Toronto-Dominion et de Canada Trust d'après le processus du Community Reinvestment Act des É.U.

Neuvième exposé de position de la CCRC

(Mars 2000)


    Table des matiéres

I. Résumé

II. Analyse de l'acquisition de Canada Trust par la Banque Toronto-Dominion en vertu du Community Reinvestment Act (CRA) des É.-U.

III. Comment une loi sur le réinvestissement communautaire peut combler des lacunes clés du système de divulgation, d'examen, de sanctions et de reddition de comptes pour les institutions financières du Canada

IV. Examen du rendement de la Banque Toronto-Dominion et de Canada Trust

(V) Recommandations


I. Résumé

Aux É.-U., le Community Reinvestment Act (CRA) et autres mesures connexes exigent que les institutions financières divulguent leurs dossiers en matière d'octroi de prêts, d'investissements et de services offerts aux consommateurs, et ce, pour chaque succursale et chaque quartier du pays. Le dossier de chaque institution est examiné et coté régulièrement par des organismes gouvernementaux de réglementation. Les institutions qui obtiennent une mauvaise note sont tenues de prendre des mesures correctrices et peuvent se voir refuser la participation à des projets d'expansion ou de fusion.

Grâce à ces lois, les institutions financières ont investi plus d'un billion de dollars dans des quartiers et des collectivités habités en majorité par des personnes à revenu moyen ou faible ou par des minorités visibles. Parmi les institutions financières qui, après examen de leur dossier, ont reçu une mauvaise note et ont été obligées de prendre des mesures de redressement ou se sont vu refuser l'acquisition d'une autre institution, mentionnons la Harris Bancorp de Chicago, une filiale de la Banque de Montréal, et Waterhouse, une filiale de la Banque Toronto-Dominion.

Malheureusement, en examinant l'acquisition proposée de Canada Trust par la Banque TD, le ministre des Finances Paul Martin a rejeté la requête de la CCRC, qui demandait que le Ministère procède à un examen du rendement des deux institutions d'après le modèle américain; qu'il exige qu'elles prennent des mesures correctrices et qu'il retarde l'approbation de la transaction jusqu'à ce que les institutions améliorent leurs dossiers au chapitre de l'octroi de prêts, des investissements et du service à la clientèle.

Avec des ressources bien inférieures à celles du gouvernement fédéral et sans le pouvoir de ce dernier d'obliger les institutions à divulguer les renseignements pertinents, la CCRC a entrepris d'examiner les dossiers des deux institutions en cause et le présent rapport est le résultat de cet examen.

Les dispositions du HMDA et du CRA américains relativement à la divulgation, à l'examen et à la notation des dossiers des banques sont entièrement applicables aux banques et autres institutions de dépôt canadiennes. Toutefois, notre secteur bancaire étant beaucoup plus concentré, les sanctions imposées pour un rendement médiocre devraient être plus sévères que le simple refus de participer à un projet d'expansion ou de fusion. On pourrait, entre autres, interdire la participation à des marchés publics et annuler les marchés actuels; exiger que l'institution tienne des réunions publiques pour présenter les mesures quÕelle compte prendre pour améliorer son dossier; et imposer des amendes et des surtaxes spéciales.

Dans le livre blanc intitulé La réforme du secteur des services financiers canadien, publié en juin 1999, le ministre fédéral des Finances Paul Martin propose d'obliger les institutions financières à divulguer certains des renseignements exigés par les lois américaines, tels que l'emplacement des succursales ouvertes et fermées, et de créer une agence gouvernementale chargée d'examiner les dossiers des institutions financières au chapitre des services offerts aux consommateurs, en particulier aux personnes à faible revenu. Cependant, M. Martin n'a proposé aucune mesure concernant la divulgation, pour chaque collectivité, du nombre de prêts octroyés aux petites entreprises et des fonds investis dans des projets de développement communautaire, en particulier la construction de logements à prix abordable. M. Martin n'a pas non plus prévu la mise en place d'un système d'examen et de surveillance, ni aucune sanction pour les institutions qui affichent un piètre dossier au chapitre des prêts, des investissements ou des services.

Si Paul Martin et le gouvernement fédéral ne rectifient pas ces lacunes et les autres failles de l'énoncé de politique (pour plus de détails, voir la Section V : Recommandations), il sera impossible de rendre les institutions imputables si elles offrent des services de piètre qualité, ou si elles refusent des prêts et des fonds à des particuliers, des entreprises ou des projets de développement communautaire méritoires. Sans ces mesures de reddition de comptes, les institutions financières ne seront pas motivées à servir tous les Canadiens de façon adéquate et équitable.


II. Analyse de l'acquisition de Canada Trust par la Banque Toronto-Dominion en vertu du Community Reinvestment Act (CRA) des É.-U.

Vers la fin du printemps de 1996, la Banque TD a présenté une requête en vue de devenir une société de portefeuille aux É.-U. et de se rendre acquéreur de Waterhouse Investor Services (WS) et de la Waterhouse National Bank (WNB), siège social de WS à White Plains, dans l'État de New York. La WNB est une banque virtuelle qui ne possède qu'un seul bureau physique; un des points en litige était la mesure dans laquelle la WNB devrait être sujette au Community Reinvestment Act (CRA). La Banque TD a tenté de limiter l'incidence du CRA en déposant une requête pour que la WNB soit désignée comme étant une «banque à but limité», ce qui lui permettrait de ne desservir que certains clients (par ex., seulement les clients fortunés) et d'ignorer les besoins dÕautres consommateurs qui souhaiteraient peut-être devenir des clients de l'institution.

Les groupes communautaires, qui ont automatiquement le droit ­ en vertu du CRA ­ d'intervenir dans l'examen de l'acquisition, ont présenté des preuves à l'effet que la WBN n'avait pas tenu les promesses de réinvestissement communautaire qu'elle avait faites en 1994 ­ tel qu'exigé par le CRA ­ lorsqu'elle a obtenu sa charte bancaire. La banque n'a pas commercialisé ses produits dans les quartiers à revenu moyen ou faible; elle n'a pas non plus offert de séminaires de formation ou de cartes de crédit garanties.

En vertu du CRA et des mesures connexes, la quasi-totalité des 10 000 banques et autres institutions et sociétés financières des É.-U. sont tenues de divulguer le nombre de demandes de prêts hypothécaires, de prêts à la petite entreprise et de prêts pour les petites fermes qu'elles reçoivent, approuvent et rejettent et ce, par race, par sexe, par niveau de revenu et par secteur de recensement des demandeurs. Plusieurs États ont adopté leurs propres lois en matière de divulgation, lois qui, dans certains cas, étendent ces exigences à d'autres domaines.

Ces critères ont été adoptés, entre autres choses, pour «aider les fonctionnaires à distribuer les investissements du secteur public de façon à attirer des investisseurs du secteur privé vers les régions qui en ont le plus besoin.» Aux termes du CRA, les institutions financières doivent répondre aux besoins en crédit et en service des collectivités qu'elles desservent, sans exposer l'institution à des risques injustifiés.

Des organismes de réglementation examinent périodiquement le rendement des institutions financières en fait d'octroi de prêts, d'investissements et de services offerts, en tenant compte de la sécurité et du bien-fondé des opérations, de la taille et de la situation financière de l'institution, des contraintes juridiques ainsi que du rendement des autres institutions financières situées dans la même localité. Des examens effectués par le gouvernement et des organismes indépendants quant aux activités des institutions financières en vertu du CRA ont tous révélé que ce dernier n'exige pas que les institutions prêtent de l'argent ou desservent des clients à risque et qu'il ne leur impose pas un lourd fardeau. En fait, celles qui prêtent le plus d'argent en vertu du CRA se sont révélées plus rentables.

L'obtention d'une mauvaise note dans le cadre du processus d'examen prévu par le CRA peut entraîner le rejet d'une demande d'expansion, que ce soit par l'ajout de nouvelles succursales ou par une fusion ou une acquisition. Les banques ont donc des encouragements monétaires pour atteindre les objectifs fixés par le CRA. Les organismes de réglementation fédéraux n'ont que rarement rejeté une demande d'expansion et ce, même si une institution affiche un rendement médiocre en vertu du CRA; plusieurs observateurs croient cependant que cette mesure incitative serait beaucoup plus efficace si les lois étaient appliquées dans leur pleine mesure.

Grâce au CRA et à d'autres lois américaines connexes, les institutions financières ont investi plus d'un billion de dollars dans des programmes de prêts, d'investissements et de services ciblés dans des quartiers et des collectivités habités en majorité par des personnes à revenu moyen ou faible ou par des minorités visibles ­ fonds qui n'auraient pas été ainsi alloués n'eût été de ces lois (pour plus de détails sur les lois américaines sur le réinvestissement communautaire, consulter le 5e exposé de position de la CCRC, intitulé «Un système d'imputabilité pour les institutions financières du Canada : s'assurer qu'elles satisfont à des normes élevées» (décembre 1997).

Après examen du dossier de Waterhouse (WNB) en ce qui a trait aux exigences du CRA, la Banque centrale américaine (BCA) a retardé l'approbation du projet jusqu'à ce que la Banque TD et la WNB lui présentent un plan triennal détaillé en matière de réinvestissement communautaire contenant «des échéanciers pour la mise en oeuvre des mesures anticipées, des propositions en matière de suivi, des rapports d'étape», etc. La demande a été finalement approuvée par la BCA à la fin de novembre 1996, après que la Banque TD se soit engagée à appuyer les efforts de l'agent de CRA travaillant à temps plein à la WBN, le comité de CRA et le conseil d'administration de la WBN, afin de s'assurer que cette dernière donne un rendement satisfaisant ou meilleur en ce qui a trait au réinvestissement communautaire. La Banque TD a, par exemple, établi des objectifs pour le programme de développement communautaire de la WBN, ainsi que des procédures pour régir son programme de CRA, notamment :

La Banque TD s'est également engagée à travailler étroitement avec les organismes de réglementation tels que le Office the Comptroller of the Currency (OCC) et les collectivités concernées, et d'apporter des changements au programme de CRA de la banque, dont, notamment, des ajustements trimestriels, s'il y a lieu, au financement alloué au programme de CRA de la WBN. Dans sa demande, la Banque TD a également déclaré que «depuis plusieurs années, elle considère que le développement communautaire constitue un élément important de la responsabilité des sociétés privées», même si elle n'a pas été sujette, au Canada, à un règlement comparable au CRA américain.

Les groupes communautaires, qui ont automatiquement le droit, en vertu du CRA, de présenter des mémoires en réponse à une demande d'acquisition déposée par une institution financière, ont protesté la prise de contrôle en déclarant que les propositions de la TD étaient inadéquates et ses engagements trop vagues pour être pris au sérieux.

L'organisme de réglementation a conclu que le dossier des activités de la Banque TD aux É.-U. et ses transactions avec les organismes fédéraux de réglementation des banques indiquent quÕon pouvait se fier à la Banque TD pour réaliser les programmes et politiques qu'elle s'est engagée à mettre en place.

Depuis 1996, les services bancaires d'investissement de Waterhouse se sont avérés très rentables pour la Banque TD et pour la base capital de la banque, particulièrement les revenus de plus d'un milliard de dollars ($US) que son émission initiale d'actions lui a valu au printemps de 1999, faisant de la Banque TD l'institution financière canadienne la plus rentable pour les trois premiers trimestres de 1999. Aucun autre examen du rendement de la WBN n'a été entrepris en vertu du CRA.

Canada Trust, par contre, vient tout juste de pénétrer le marché américain en 1998, avec l'ouverture de CTUSA et de la Florida Savings Bank.


III. Comment une loi sur le réinvestissement communautaire peut combler des lacunes clés du système de divulgation, d'examen, de sanctions et de reddition de comptes pour les institutions financières du Canada

En effectuant les recherches qui forment la base de ce rapport, la CCRC a eu beaucoup de difficultés à mettre la main sur certlle avait besoin pour évaluer si une institution financière canadienne dessert ses clients et ses collectivités de façon adéquate et équitable. La plupart des renseignements disponibles ne sont pas ventilés par institution financière, même si cela pourrait se faire aisément. Il nous a été particulièrement difficile d'obtenir de l'information au sujet de Canada Trust, étant donné que cette institution n'est pas sujette aux programmes de divulgation volontaires établis par le gouvernement fédéral.

Les ministres, les organismes de réglementation et les groupes de consommateurs reconnaissent tous le besoin et l'importance de la concurrence dans toute industrie, afin de s'assurer que les clients soient servis adéquatement. Mais la concurrence ne contribuera à favoriser un meilleur service que si les clients peuvent facilement comparer les entreprises concurrentes afin de déterminer laquelle offre un meilleur service que les autres. Dans le secteur bancaire canadien, cependant, à cause des lacunes au niveau de la divulgation de renseignements, même si un institution financière dessert ses clients mieux que les autres, les consommateurs canadiens ne le découvriraient que par hasard. Avec un tel état de choses, quelle mesure incitative les institutions financières ont-elles pour mieux servir leurs clients?

La section ci-après constitue un compte rendu de recherches effectuées par un chercheur de la CCRC sur une période de neuf semaines, à partir de sources d'information disponibles, fiables et relativement accessibles, dont des rapports annuels, des sites Internet sur les banques et des bases de données juridiques. De toute évidence, une bonne partie de cette information ­ et même d'autres ­ pourrait aisément et régulièrement être fournie par les institutions financières et ce, de façon systématique, communauté par communauté, tout comme les institutions financières américaines le font en vertu du Community Reinvestment Act (CRA) et dÕautres lois connexes depuis plus de 20 ans.

Quelles dispositions devrait contenir une loi canadienne sur le réinvestissement communautaire? Les tests de rendement au chapitre de l'octroi de prêts, des investissements et des services prévus dans le CRA américain nous fournissent un modèle. Les Canadiens ont, en outre, exprimé des préoccupations au sujet de certains aspects de leurs relations avec les banques. Selon un sondage national effectué pour le compte de la revue Maclean's ppar Northstar Research Partners de Toronto au sujet des fusions bancaires proposées, la majorité des Canadiens sont d'avis que si des conditions étaient rattachées à toute proposition de fusion, ces conditions devraient comporter les éléments suivants : un niveau garanti de prêts à la petite entreprise; des limites quant aux frais d'utilisation; la protection des emplois du personnel des banques; et des restrictions en ce qui a trait à la fermeture de succursales locales.

À la lumière de l'expérience américaine avec le CRA et compte tenu des préoccupations exprimées par les Canadiens, une loi canadienne sur le réinvestissement communautaire devrait obliger les banques à prendre les mesures suivantes : (pour plus de détails, voir le cinquième exposé de position de la CCRC, intitulé «Un système d'imputabilité pour les institutions financières du Canada : s'assurer qu'elles satisfont à des normes élevées» (décembre 1997), ainsi que le huitième exposé de position : «Plus d'argent comptant : Pourquoi on a besoin d'une loi sur le réinvestissement communautaire pour amener les institutions financières à faire leur part pour résoudre la crise de logements abordables au Canada» (novembre 1999) :

Les données recueillies pour chaque institution financière devraient être remises à Statistique Canada, qui publierait, annuellement, les résultats obtenus par chaque banque, par circonscription électorale, par province, par région et à l'échelle nationale, et ce, tout en respectant les lignes directrices qu'elle a émises pour protéger les renseignements personnels d'emprunteurs spécifiques.

Le gouvernement devrait, après avoir recueilli l'opinion des membres de la collectivité concernée, procéder à des évaluations régulières du rendement des institutions financières en fonction de l'octroi de prêts, des investissements et des services.

La CCRC suggère d'appliquer les sanctions suivantes à toute institution qui reçoit une mauvaise note, que ce soit globalement ou pour une de ses succursales. En premier lieu, les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et les administrations municipales, devraient être expressément autorisés à décider quel genre de transactions ils effectueront auprès d'une institution financière donnée, selon le rendement de cette dernière en vertu du système d'imputabilité décrit plus haut. En deuxième lieu, toute institution qui désire prendre de l'expansion à l'intérieur de son secteur d'activité (p. ex., une société de fiducie qui en acquiert une autre) ou à l'extérieur de celui-ci (p. ex., une banque qui veut acquérir une société de fiducie), le gouvernement de qui relève la transaction doit être habilité à interdire cette dernière si l'institution financière affiche un dossier global insatisfaisant.

Troisièmement, pour toute institution qui obtient une mauvaise note dans une collectivité quelconque, un cadre supérieur et un membre du conseil d'administration de l'institution en question devraient, après avoir émis des préavis d'au moins deux semaines, tenir une réunion publique dans la collectivité concernée. À cette réunion, les représentants de l'institution recueilleraient les commentaires oraux et écrits des membres de la collectivité au sujet du rendement de la succursale et dévoileraient les mesures que compte prendre l'institution pour améliorer son rendement à l'avenir.

Quatrièmement, le ministre des Finances devrait avoir le droit d'imposer les amendes prévues dans la législation relative aux institutions financières s'il croit qu'une telle mesure est justifiée. Enfin, dans son budget de 1996, le gouvernement de l'Ontario a imposé aux banques à charte une surtaxe, accompagnée d'un crédit d'impôt pouvant être appliqué à la surtaxe par les banques qui démontrent qu'elles appuient les PME. Le gouvernement fédéral et les provinces devraient envisager d'adopter des lois semblables afin d'inciter les institutions financières à maintenir un rendement global satisfaisant dans chaque province, non seulement au chapitre des services fournis aux PME, mais à tous les consommateurs.


IV. Examen du rendement de la Banque Toronto-Dominion et de Canada Trust

(A) Plus gros ne sera jamais meilleur sans une imputabilité accrue

À la fin de 1994, les six grandes banques canadiennes avaient un actif combiné de 740 milliards de dollars et des profits combinés de 4,26 milliards sur des revenus combinés de 53,7 milliards de dollars. À la fin de 1999, l'actif avait augmenté à 1,26 billion, tandis que les profits avaient plus que doublé pour atteindre 9,12 milliards sur des revenus totaux de 94,7 milliards. Ces majorations ont-elles contribué à assurer, dans l'ensemble, un meilleur service à la plupart des consommateurs?

Une indication initiale du contraire est la façon dont les six grandes banques ont ignoré les résultats de plusieurs sondages qui démontrent clairement que les Canadiens s'opposaient aux fusions proposées en 1998 et, pendant plusieurs mois, elles ont exercé des pressions sur le gouvernement pour qu'il approuve les fusions. L'habitude qu'ont les banques d'ignorer les préoccupations, les besoins et les désirs des consommateurs a été mise en lumière pendant la campagne en faveur des fusions. En outre, des sondages effectués par l'Institut national de la qualité au cours des dernières années ont révélé que sur 22 industries examinées, les banques se classaient parmi les cinq dernières en ce qui a trait à la satisfaction de la clientèle. Par contre, les coopératives de crédit et les caisses populaires qui, dans la plupart des cas, sont plus petites que les banques, se sont classées parmi les cinq premières et ce, les deux années.

En 1998, le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien (Groupe de travail Mackay) a commandé plusieurs études qui ont toutes conclu que, dans l'ensemble, les Canadiens ne recevaient pas des services adéquats de leurs institutions financières (surtout des banques) comparativement à d'autres pays. Par exemple, une étude menée par McKinsey & Company a trouvé que les petites et moyennes entreprises reçoivent un service inférieur à la normale en raison de frais de service plus élevés que la moyenne, d'un éventail de choix moins varié qu'aux É.-U. et d'un accès réduit au financement; les particuliers reçoivent également des services médiocres en raison de frais de service excessifs, d'une qualité de service inférieure, d'un manque dÕinformation au sujet des produis et services, et d'un nombre réduit de fournisseurs comparativement à d'autres pays.

Ces constatations et d'autres informations recueillies par la CCRC et d'autres regroupements de consommateurs et de petites entreprises (pour plus de détails, voir la section C ci-après), révèlent que bien que nos grandes banques ont pris de l'expansion au cours des cinq dernières années, elles ne se sont pas améliorées. La Banque TD et Canada Trust n'ont pas fait exception à la règle; et une analyse de leur croissance et de l'acquisition proposée révèle que des banques plus grosses ne seront jamais meilleures sans l'adoption de lois et d'autres mesures visant à accroître l'imputabilité des banques à l'endroit de leurs clients, surtout les petites et moyennes entreprises et les particuliers.

(B) Prise de contrôle de Canada Trust par la Banque TD : des promesses non exécutoires de mieux servir les clients

La Banque TD offre une gamme complète de services financiers directement et par l'entremise de diverses filiales; elle a un actif total de 208 milliards, plus de six millions de clients, plus de 900 succursales de détail; elle offre aussi des services bancaires par téléphone et par Internet. Elle a également la deuxième plus grande société de courtage réduit et l'une des plus grandes sociétés de fonds communs de placement au Canada.

Canada Trust oeuvre dans les domaines des services financiers personnels : transactions bancaires quotidiennes, prêts, gestion de la fortune et assurances. La société dessert plus de 3,7 millions de clients, emploie environ 16 000 personnes et gère un réseau de 431 succursales de détail, 847 GAB, ainsi que les services par téléphone EasyLine et les services par Internet Easy Web. À la fin de l'exercice 1998, 94 % de l'actif global de Canada Trust, soit 48 milliards de dollars, se trouvait au Canada et 6% à l'étranger (selon un message électronique envoyé par Ralph Marranca, du siège social de Canada Trust, le 20 décembre 1999).

Ces seuls chiffres permettent de constater que l'acquisition de Canada Trust ­ une transaction de 8 milliards de dollars ­ est toute aussi importante pour le secteur des services fiananciers canadien que les fusions bancaires de 1998. Pourtant, la transaction de la Banque TD a été présentée et examinée de façon très différente de celles proposées en 1998.

Tout d'abord, la Banque TD a commencé à discuter la prise de contrôle de Canada Trust en décembre 1998; elle a ensuite informé le ministre des Finances de ses intentions, puis a rencontré des députés libéraux fédéraux pour discuter leurs préoccupations, avant d'annoncer la transaction au grand public. Les fusions annoncées en 1998 ont surpris tout le monde.

Deuxièmement, dans une lettre datée du 3 août 1999 adressée aux clients de Canada Trust, Edmund Clark, président et PDG de Canada Trust, a pris les engagements vagues et généraux suivants :

D'autres engagements plus spécifiques ont également été pris :

A. Charles Baillie, président du Conseil et chef de la direction du Groupe Financier Banque TD, a réitéré ces engagements généraux et spécifiques dans un communiqué en date du 3 août au sujet de l'acquisition proposée, déclarant, entre autres choses, qu'«ensemble, nous créerons le leader des institutions de services financiers du pays» et qu'il tenait «à assurer aux clients de Canada Trust que nous entendons maintenir les heures d'ouverture dont ils ont bénéficié dans les succursales de Canada Trust.» Selon la Banque TD, la nouvelle société combinée sera non seulement un chef de file au chapitre du service à la clientèle, des conseils en matière de fonds communs de placement, du courtage réduit et des services bancaires par téléphone et par Internet, elle aura également le plus grand nombre de clients de toute institution financière au Canada, soit 10 millions.

En outre, dans les trois collectivités rurales où la Banque TD et Canada Trust ont toutes les deux des succursales (et il est probable que l'une des deux succursales sera fermée), il y a au moins trois autres institutions concurrentes, en plus de TD et de CT, qui offrent des services semblables. Également, étant donné que Canada Trust a relativement peu d'expérience dans le domaine du financement des PME, leurs clients commerciaux auraient accès à la division de prêts beaucoup plus développée de TD.

En plus de ces engagements, une fois que la prise de contrôle a été approuvée par le ministre des Finances Paul Martin le 1er février 2000, Canada Trust a publié, dans les journaux, des messages publicitaires d'une page annonçant que jusqu'en l'an 2001, les niveaux de dotation ne seront pas réduits et que les frais de service seront gelés aux deux institutions.

Dans le cadre des projets de fusion de 1998, des promesses semblables n'ont été faites que plusieurs mois après l'annonce des transactions, et seulement parce que les banques craignaient de ne pas obtenir l'approbation de leurs projets si elles ne prenaient pas ces engagements.

Il y a toutefois plusieurs similarités entre les projets de fusions de 1998 et l'acquisition proposée de Canada Trust par la Banque TD. Tout d'abord, dans le communiqué publié par la Banque TD le 3 août 1999, tous les engagement susmentionnés ont été mis en évidence, et, bien plus loin dans le communiqué, il est mentionné que 4 900 emplois seront perdus et que 275 succursales seront fermées ou touchées d'une manière quelconque en raison des «réductions de dépenses» :

Deuxièmement, sous la rubrique «Considérations en matière de politiques publiques» du communiqué, la Banque TD ne soulève que les questions suivantes : la solidité et la sécurité du système bancaire (comparativement aux fusions proposées en 1998 qui, si on les avait approuvées, auraient fait passer le nombre de grandes banques à trois); la vaste gamme et le nombre de concurrents qui resteront après l'acquisition; et que la concentration du secteur du financement des entreprises ne sera pas affectée de façon significative.

Aucune mention n'a été faite ­ ni dans les propositions de fusion de 1998 ni dans le communiqué du 3 août de la Banque TD ­ de la question de savoir si on ne devrait autoriser une banque à fusionner ou à faire l'acquisition d'une autre institution financière qu'après un examen des dossiers des institutions en cause au chapitre des services offerts aux consommateurs et aux collectivités. Il n'y a également aucune mention à l'effet que les engagements pris par une banque quelconque ou par Canada Trust soient exécutoires par quiconque, de quelque manière que ce soit et à aucun moment.

Pourquoi la CCRC et tant d'autres se préoccupent-ils de cela? Premièrement, parce que le gouvernement fédéral a permis aux banques de faire l'acquisition d'autres institutions financières (maisons de courtage et sociétés de fiducie) et ce, pendant plusieurs années, sans même se poser les questions suivantes :

L'ignorance volontaire de ces questions par le gouvernement fédéral et le manque d'attention accordé aux répercussions de ces prises de contrôle sur les communautés et sur l'économie canadienne ont entraîné l'octroi d'une des plus importantes subventions publiques à être versée à une industrie quelconque dans l'histoire du Canada. Les banques ont pu augmenter leur position dominante sur le marché des services financiers du Canada, parfois avec l'aide des contribuables et ce, sans un mécanisme amélioré de reddition de comptes.

L'acquisition proposée de Canada Trust par la Banque TD n'est qu'une étape de plus dans ce processus et le gouvernement fédéral n'a toujours pas adopté un système d'imputabilité amélioré pour les banques canadiennes. Encore une fois, aucun des engagements pris par la Banque TD dans sa proposition n'est exécutoire et ce, en aucun temps, par quiconque et en aucune façon. Les seules conditions qu'a imposées Paul Martin aux deux institutions ont été suggérées par le Bureau de la concurrence et concernent la vente de 13 succursales et de la division de la carte de crédit MasterCard de Canada Trust.

Le dossier de la Banque TD au cours des dernières décennies ne porte pas à croire qu'elle respectera ses engagements, surtout au vu du fait que ces derniers sont entièrement facultatifs et qu'un examen du dossier de la Banque TD révèle une tendance à réduire les services bancaires complets, à promouvoir le libre-service auprès des clients ­ que ces derniers souhaitent s'en prévaloir ou non ­ et à diminuer les effectifs.

En 1992, par exemple, la Banque TD a fait l'acquisition de la majeure partie de l'actif et des activités de Central Guaranty Trust (CGT), avec une assurance fournie par la Société d'assurance-dépôts du Canada (SADC). Cette dernière a fait des promesses et des garanties totalisant 3,7 milliards de dollars pour aider la Banque TD à acheter CGT et a perdu 1,3 milliard en fonds publics dans le cadre de cette transaction. Selon le Toronto Star du 2 mai 1995, la majeure partie des 154 succursales de Central Guaranty acquises par la Banque TD ont été fermées.

En juillet 1996, la Banque TD, la Banque Royale et la Banque de Montréal ont annoncé qu'elles comptaient établir une coentreprise distincte pour s'occuper du traitement de données, une activité effectuée soi-disant «à huis clos». Selon les trois institutions, cette initiative allait permettre de réaliser des économies (par le biais de pertes d'emplois), mais aucun engagement n'a été pris à l'effet que ces économies seraient refilées aux consommateurs. En avril 1999, la Banque TD a annoncé la mise à pied de 500 employés et l'impartition des tâches reliées au traitement des dépôts à une compagnie appartenant à la CIBC.

Sans l'adoption de mesures relatives à la reddition de comptes, plus précisément une loi sur le réinvestissement communautaire (LRC), aucun gouvernement canadien, voire un consommateur, une entreprise ou une collectivité, ne sera capable de tenir la Banque TD ni aucune autre institution financière responsable si elles offrent des services inéquitables, discriminatoires ou si elles affichent un piètre rendement au chapitre de l'octroi des prêts, des investissements ou des services à la clientèle ­ voire si elles ne respectent pas des engagements pris dans le cadre d'un processus de prise de contrôle ou de fusionnement.

(C) Tests de rendement proposés par la CCRC : Résultats obtenus par la Banque TD et Canada Trust

Comme il en a été question dans les sections précédentes, le Community Reinvestment Act (CRA) américain et la LRC canadienne proposée par la CCRC portent tous les deux sur le rendement des institutions financières dans leur rôle central de fournisseurs de services pour les déposants et de crédit pour les emprunteurs. La CCRC est consciente qu'il y a d'autres importantes questions qui entrent en ligne de compte dans l'examen du rendement des institutions financières, telles que les politiques relatives au personnel (équité dans l'embauche et les promotions, des politiques progressives en matière de congé de maternité et de paternité); les politiques d'approvisionnement et de commerce (respect des lois internationales en matière de droits de la personne, les conventions relatives à l'approvisionnement et au commerce); gestion des sociétés (vérifications indépendantes, adoption et application de règles strictes en matière de conflits d'intérêt); et la gestion environnementale (réduction des déchets provenant des activités internes).

EthicScan Canada est l'une des quelques organisations canadiennes qui évaluent et cotent les entreprises dans les domaines susmentionnés et d'autres. Selon l'ouvrage Shopping With a Conscience, publié par EthicScan en 1996, la Banque TD et Canada Trust ont reçu les notes suivantes :

Canada Trust Banque TD
Questions reliées à l'égalité des sexes F+ C+
Responsabilités envers la communauté D E
Politiques progressives en matière de personnel C B+
Relations de travail E- C+
Rendement sur le plan environnemental E+ D
Gestion environnementale F+ C-
Pratiques de gestion et relations avec les consommateurs C- A-
Politiques d'approvisionnement et de commerce F C+
Franchise D A-

Ces notes indiquent les domaines qui laissent à désirer dans les deux institutions. Dans une deuxième évaluation de la Banque TD, effectuée à l'automne 1999 (en utilisant des critères légèrement différents), EthicScan a découvert que l'institution avait amélioré son rendement aux chapitres de l'équité et de l'égalité des sexes. Toutefois, elle n'a pas répondu à plusieurs autres questions comme les politiques progressives en matière de ressources humaines, et elle n'a fourni presque aucune information dans les domaines de l'approvisionnement et du commerce, les pratiques déontologiques de gestion et les relations avec les consommateurs, les activités commerciales de nature délicate, la gestion des sociétés, la gestion et le rendement en matière d'environnement; les relations avec les employés.

Par exemple, dans le domaine des relations avec les employés, la Banque TD n'a fourni aucune information à EthicScan sur le nombre de mises à pied ou sur l'emplacement de ces dernières au cours des cinq dernières années, le pourcentage des tâches imparties à des entreprises externes, les politiques officielles visant à minimiser les effets de la réduction des effectifs, les cas de licenciement injustes, les taux élevés de roulement ou encore les programmes de santé et de sécurité, de formation ou de participation aux bénéfices de la compagnie.

Il y a plusieurs raisons qui donnent lieu de s'inquiéter au sujet des relations avec les employés dont, notamment, le fait que la banque soit allée jusqu'à la Cour Suprême ­ sans succès ­ pour essayer de faire annuler son obligation d'avoir recours, en vertu des lois de l'Ontario, à des entrepreneurs en construction syndiqués pour rénover ses succursales. Comme le mentionne le Toronto Star du 6 juin 1998, un des avocats pour la Banque TD dans cette affaire était Guy Giorno, qui est plus tard devenu directeur des politiques dans le bureau du premier ministre Mike Harris et qui était, à l'époque, le principal stratège politique du Parti progressiste-conservateur de l'Ontario. Après leur élection, les Conservateurs, par le biais du projet de loi 31, ont modifié les lois du travail de l'Ontario et ont éliminé l'exigence voulant que les entreprises qui n'oeuvrent pas dans le domaine de la construction aient recours à des travailleurs syndiqués sur les sites de construction.

Comme c'était à prévoir, la banque a fourni, sous la rubrique des responsabilités envers la collectivité, amplement de données sur les dons qu'elle a versés à des organismes de bienfaisance; par contre, elle n'a fourni aucun renseignement sur sa participation à des projets de développement communautaire, ou à des consultations sur les répercussions des fermetures de succursales sur les collectivités.

Ces exemples du système d'examen et de notation d'EthicScan révèlent les lacunes dans le suivi du rendement des banques canadiennes en ce qui a trait à leurs activités internes, voire aux produits et aux services qu'elles offrent. Encore une fois, l'on se doit de noter que malgré l'importance des opérations internes, une institution qui affiche un rendement satisfaisant dans tous ces aspects internes peut tout de même imposer des frais excessifs à ses clients, les traiter de façon inéquitable, ou leur fournir des services de qualité médiocre.

Sans des mesures plus strictes en matière de suivi et de divulgation dans tous ces domaines, toute tentative d'évaluation du rendement des banques et autres entreprises à ces chapitres sera, au mieux, compromise, et au pire, peut porter à confusion pour ceux qui ne réalisent pas que les notes sont souvent attribuées d'après des renseignements très incomplets fournis seulement par la banque ou la compagnie sur une base volontaire, et non d'après des renseignements obtenus à la suite d'une vérification indépendante prévue par la loi ou d'une divulgation obligatoire.

Malgré l'accessibilité réduite de certains renseignements dans plusieurs domaines, la CCRC a recueilli et évalué ­ d'après le modèle proposé pour une loi canadienne sur le réinvestissement communautaire ­ toute l'information disponible sur le rendement de la Banque TD en matière de services, d'octroi de prêts et d'investissements. Voici les résultats qu'elle a obtenus.


(1) Accès aux services bancaires

Au printemps de 1998, les Associés de recherche Ekos Inc. ont effectué, pour le compte du Groupe de travail fédéral sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, des enquêtes téléphoniques détaillées auprès de 1 800 Canadiens et de sept groupes d'intérêt. Ekos a trouvé que 2 à 4 % des Canadiens ne disposent pas d'un compte bancaire; ce chiffre est de 5 % chez les Canadiens à faible revenu et de 3 à 4 % chez les Canadiens de plus de 65 ans. Les difficultés reliées à l'ouverture d'un compte sont l'une des raisons invoquées par les répondants pour expliquer cet état de fait. D'autres enquêtes nationales effectuées au cours des deux dernières années ont constamment révélé que 90 % des Canadiens considèrent qu'il est nécessaire de posséder un compte bancaire.

Le sondage cherchait également à déterminer ce que les Canadiens voulaient en fait de services. Ekos a découvert que 67 % d'entre eux s'accordent pour dire qu'il est encore extrêmement important pour eux d'être capables d'effectuer leurs transactions bancaires auprès d'un caissier (86 % des Canadiens plus âgés, 72-73 % de ceux ayant des revenus de moins de 40 000 $, 74-79 % de ceux qui vivent dans les régions dont la population est inférieure à 10 000 habitants). Ekos a également constaté que 13 % de la population totale et 38 % des Canadiens âgés n'utilisent jamais les cartes bancaires ou les cartes de débit; 69 % n'ont jamais recours aux services bancaires par téléphone et 89 % n'utilisent jamais l'Internet ou l'ordinateur pour effectuer leurs transactions (ceux qui ont tendance à utiliser l'Internet ou le téléphone pour leurs transactions ont des revenus annuels supérieurs à 80 000 $).

Ekos a également trouvé que 56 % ne croyaient pas que les banques devraient pouvoir fermer des succursales, même si les clients peuvent avoir accès aux services grâce aux nouvelles technologies. En expliquant pourquoi ils préféraient les services en succursale par rapport aux guichets automatiques, les Canadiens ont précisé qu'ils résistaient à utiliser la technologie du libre-service parce qu'on les pousse à le faire et aussi parce qu'ils réalisent que cette technologie n'est pas accessible à tous les Canadiens.

En ce qui concerne les renseignements fournis par les institutions financières au sujet des produits et services, deux tiers des Canadiens sont d'avis que les institutions ne les informent pas adéquatement. Une autre étude menée par le Groupe de travail a conclu que le Canada accusait un retard de plusieurs années en ce qui a trait à l'adoption de mesures obligeant les institutions financières et autres entreprises à utiliser un langage clair; actuellement, la plupart des gens ont besoin d'un diplôme universitaire pour comprendre la majeure partie de l'information fournie par les institutions financières canadiennes.

En ce qui concerne un autre aspect des services bancaires, soit l'encaissement de chèques et les périodes de gel imposées à ces derniers, Ekos a découvert que 18 % des répondants avaient vu leurs fonds déposés gelés (8 % étaient des chèques du gouvernement), tandis que 8 % avaient utilisé Money-Mart ou un autre débit d'encaissement de chèques (16 % des Canadiens plus jeunes et 15 % de ceux ayant des revenus annuels de moins de 20 000 $). Il n'est donc pas surprenant que les répondants qui ont indiqué que leur institution financière gelait les chèques qu'ils déposaient dans leur compte avaient davantage tendance à recourir à une institution non financière pour encaisser leurs chèques (19 % comparativement à 6 % parmi ceux dont les chèques ne faisaient pas l'objet d'une période de gel). Dans l'ensemble, les pratiques en matière d'encaissement de chèques et de gel des fonds posent de sérieux problèmes pour de nombreux Canadiens.

En février 1997, dans le cadre d'une entente conclue à huis clos avec le ministère des Finances, les grandes banques canadiennes ont convenu:

En ce qui concerne un autre aspect du service, McKinsey and Company a découvert, dans le cadre d'une étude effectuée au nom du Groupe de travail, que les particuliers et les petites moyennes entreprises qui font affaire avec les grandes institutions financières du Canada paient des frais de service excessifs comparativement aux autres pays. En 1988, le Comité des finances de la Chambre des communes a tenu des audiences et a publié, la même année, un rapport sur les frais de service révélant, entre autres choses, qu'entre 1981 et 1987, les revenus provenant des frais de service avaient augmenté de 17 % chaque année (principalement en raison de l'introduction des guichets automatiques); deux tiers des 71 succursales interrogées n'avaient pas affiché, dans un endroit bien visible, les augmentations des frais de service, dérogeant ainsi aux dispositions contenues dans la Loi sur les banques. Le rapport du Comité a donné lieu à une entente volontaire en vertu de laquelle les banques ont convenu de geler les frais de service imposés aux comptes des particuliers pour une période d'au moins trois ans. Les comptes commerciaux ne tombaient pas sous le coup de l'entente puisque toutes les banques ont refusé de coopérer à cet égard.

En 1996, un groupe de consommateurs appelé ACEF-Centre s'est penché sur les frais de service des sept plus importantes institutions financières du Québec (résultats publiés dans Consommation (vol. 7, no 2, été 1996)). Le groupe a communiqué avec les sièges sociaux des institutions visées afin d'obtenir des renseignements sur les frais de service imposés aux particuliers; il a également informé les banques qu'il enverrait des chercheurs ouvrir un compte comportant un certain nombre de transactions; ces «clients» demanderaient au caissier quel compte conviendrait le mieux, tant du point de vue de l'encaissement des chèques que de l'utilisation d'une carte de débit. Si on suggérait au client mystère d'ouvrir un compte différent de celui qu'avait recommandé le siège social, le groupe envoyait un second chercheur qui demandait à ouvrir ce compte afin qu'ils puissent comparer les frais de service. Pendant un mois, on a effectué les mêmes transactions dans 20 comptes différents; le groupe a découvert que pour les mêmes opérations, les consommateurs payaient entre 10,30 $ et 23,50 $ par mois, soit entre 123,60 $ et 282 $ par an. Pour les comptes recommandés par les sièges sociaux, ces montants variaient de 123,60 $ à 184,20 $ et pour les comptes non recommandés, de 144 $ à 282 $.

En 1998, le Bureau de la consommation a commencé à publier un rapport annuel sur les frais des services financiers, examinant les frais de service qui seraient imposés à 10 clients différents, avec cinq profils d'utilisation différents; dans un cas avec un solde inférieur à 1 000 dollars et, dans l'autre cas, avec un solde supérieur à 1 000 $. On a calculé les frais de service rattachés à divers comptes dans 17 institutions financières, de même que les frais moyens de dix des plus grandes institutions dans la plupart des cas (les dix plus grandes étant, par ordre alphabétique, la Banque de Montréal, la Banque Hongkong du Canada, la Banque Laurentienne, la Banque Nationale, la Banque de la Nouvelle-Écosse, la Banque Royale, la Banque TD, Canada Trust, CIBC et Desjardins).

Grâce aux résultats de l'enquête du Groupe de travail et de ceux du sondage effectué par Industrie Canada sur les frais de service, la CCRC a pu établir, en ce qui a trait à l'accès aux services bancaires, l'échelle de classement suivante (l'emplacement des succursales, les heures d'activité et les fermetures de succursales sont traités séparément dans l'une des sections ci-après) :

(a) Banque TD ­ Inobservation notable

La Banque TD s'est vu attribuer la cote «Inobservation notable» dans le domaine de l'accès aux services bancaires et ce, pour les raisons suivantes. En mai-juin 1999, la CCRC a effectué un sondage national auprès de 103 succursales d'institutions financières, dont 12 succursales de la Banque TD. Les résultats ont démontré que seulement deux des succursales respectaient les promesses faites en février 1997 ­ décrites ci-haut ­ en ce qui a trait à l'élimination des obstacles à l'ouverture d'un compte et à l'encaissement de chèques, surtout pour les personnes à faible revenu.

La Banque TD peut prétendre que parce qu'elle a fourni de l'expertise, du matériel de bureau et des cours de formation pour caissiers au conseil de bande de Wagmatcook, sur l'île du Cap-Breton, en vue de l'établissement de l'Agence financière de Wagmatcook, qui offre des services bancaires personnels à plus de 600 personnes sur la réserve, c'est là une raison suffisante pour lui donner une meilleure note (revue Canadian Banker, novembre/décembre 1999, p. 9). Cependant, mis à part le fait que l'agence fonctionne entièrement aux frais de la bande et que la Banque TD a le monopole sur la clientèle de la réserve, l'Agence est une exception qui ne mérite pas une note équivalente lorsqu'on la compare à un dossier systématique de discrimination contre les personnes à faible revenu.

En 1988, la Banque TD était la seule des grandes banques canadiennes à refuser de se soumettre à un nouvel ensemble de règles proposées par le gouvernement fédéral et visant à réduire les frais de service imposés aux particuliers. Ces règles visaient, entre autres choses, l'élimination des frais imposés pour fermer un compte ouvert depuis un an ou plus, pour maintenir un compte inactif, pour maintenir un solde minimum et pour l'encaissement d'un chèque sans provisions. Toutes les autres banques ont promis d'offrir des comptes de base à prix modique et de donner un avis de 60 jours avant d'augmenter les frais. Éventuellement, la Banque TD a accepté de ne plus imposer de frais de service aux détenteurs d'un compte qui reçoivent un chèque sans provisions.

Selon l'étude menée par l'ACEF-Centre en 1996 sur les frais de service des sept plus grandes institutions financières du Québec, la Banque TD offrait un compte coûtant 10,90 $ par mois (130,80 $ par an) qui avait été suggéré par un employé de la banque; c'était le deuxième meilleur prix parmi toutes les institutions interrogées. L'autre compte offert par la Banque TD coûtait 12 $ par mois (144 $ par an); donc, dans l'ensemble, la Banque TD offrait des comptes à des prix relativement bas.

Selon le rapport annuel de 1998 d'Industrie Canada sur les frais de service, la Banque TD imposait, pour les dix types de comptes/clients analysés, des frais au dessus de la moyenne dans deux cas, les deux pour des comptes ayant des soldes inférieurs à 1 000 $. Cela dénote une tendance à imposer des frais plus élevés aux personnes à faible revenu, qui sont le plus susceptibles (à supposer qu'elles puissent ouvrir un compte à la Banque TD) d'avoir un solde inférieur à 1 000 $.

Dans le Toronto Star du 19 décembre 1997, un sondage de la FCEI révélait que les frais de service imposés aux petites et moyennes entreprises par les institutions financières avaient augmenté de 12 % en 1997; l'augmentation de 12 % des frais de la Banque TD correspondait donc à cette moyenne.

De façon générale, la Banque TD a démontré son manque d'innovation et son indifférence en ce qui a trait aux comptes bancaires en 1995, lorsqu'une autre banque a majoré ses frais de service sur un compte d'épargne. La Banque TD a suivi son exemple et, quand on lui a demandé pourquoi elle n'avait pas augmenté ses tarifs plus tôt, la porte-parole Christine Thompson a déclaré que «certains consommateurs préfèrent gagner moins d'intérêt parce qu'ils veulent payer moins d'impôts» (tel que le rapporte le Toronto Star du 16 mai 1996, p. D3).

(b) Canada Trust ­ Inobservation notable

Canada Trust a obtenu la cote «Inobservation notable» dans le domaine de l'accès aux services bancaires et ce, pour les raisons suivantes. En mai-juin 1999, la CCRC a effectué une enquête à l'échelle nationale auprès de 103 succursales d'institutions financières, dont 11 succursales de Canada Trust. Les résultats obtenus démontrent qu'aucune des succursales de Canada Trust ne respectait les promesses faites en février 1997 ­ décrites ci-haut ­ en ce qui a trait à l'élimination des obstacles à l'ouverture d'un compte et à l'encaissement de chèques, surtout pour les personnes à faible revenu.

En 1988, à l'instar de la Banque TD, Canada Trust a refusé de se soumettre à un nouvel ensemble de règles proposées par le gouvernement fédéral et visant à réduire les frais de service imposés aux particuliers. Ces règles visaient, entre autres choses, l'élimination des frais imposés pour fermer un compte ouvert depuis un an ou plus, pour maintenir un compte inactif, pour maintenir un solde minimum et pour la réception d'un chèque sans provisions. Toutes les autres banques canadiennes ont promis d'offrir des comptes de base à prix modique et de donner un avis de 60 jours avant d'augmenter les frais.

Selon l'étude menée par l'ACEF-Centre en 1996 sur les frais de service des sept plus grandes institutions financières du Québec, Canada Trust offrait un compte coûtant 11,85 $ par mois (142,30 $ par an) suggéré par un employé de la banque; c'était le troisième plus faible tarif de tous les comptes examinés. L'autre compte offert par Canada Trust dans le cadre de l'enquête coûtait 21,70 $ par mois (260,40 $ par an).

Selon le rapport annuel de 1998 d'Industrie Canada sur les frais de service, Canada Trust imposait, pour les dix types de comptes/clients analysés, des frais au-dessus de la moyenne dans quatre cas, dont un pour un compte ayant un solde inférieur à 1 000 $ et trois pour des comptes ayant un solde supérieur à 1 000 $. Pour quatre autres comptes étudiés, Canada Trust n'était pas inclus parce qu'il n'offre pas de paiement de factures par le biais des guichets automatiques. Les frais de service imposés par Canada Trust se situaient donc au-dessus de la normale dans quatre des six types de comptes examinés.


(2) Activités des succursales

Tel qu'il en a été question dans la section précédente, lorsque les Associés de recherche Ekos ont mené, au printemps 1998, des enquêtes détaillées pour le compte du Groupe de travail fédéral sur l'avenir du secteur canadien des services financiers, ils ont découvert que 67 % de la population croit qu'il est extrêmement important pour eux d'être en mesure d'effectuer leurs transactions bancaires en personne (86 % des Canadiens âgés, de 72 % à 73 % des personnes ayant des revenus annuels inférieurs à 40 000 %, de 74 % à 79 % de ceux qui vivent dans des collectivités de moins de 10 000 habitants). Ekos a également trouvé que 13 % de la population totale et 38 % des Canadiens âgés n'utilisent jamais les cartes bancaires ou les cartes de débit; 69 % n'effectuent jamais leurs transactions bancaires par téléphone et 89 % n'ont jamais recours à l'Internet ou à l'ordinateur pour leurs transactions (ceux qui ont tendance à le faire ont des revenus annuels dépassant 80 000 $).

Ekos a aussi constaté que 56 % ne sont pas d'avis que les banques devraient être en mesure de fermer n'importe quelle succursale, sous prétexte que les clients peuvent toujours avoir accès aux services grâce à la nouvelle technologie. En expliquant pourquoi ils préféraient les services en succursale aux guichets automatiques, les Canadiens ont précisé qu'ils résistaient à utiliser la technologie du libre-service parce qu'on les poussait à le faire et aussi parce qu'ils se rendaient compte que cette technologie n'était pas accessible à tous les Canadiens.

Les résultats d'un sondage national effectué par Northstar Research Partners de Toronto pour le compte de la revue Maclean's vers la fin de 1998 a révélé que 45 % des répondants se rendaient à une succursale au moins une fois par semaine; 34 % le faisaient de 1 à 3 fois par mois et 21 % moins souvent (Maclean's, 7 décembre 1998, p.36).

Ces résultats démontrent clairement que les efforts déployés par les banques pour inciter leurs clients à utiliser les guichets automatiques sont motivés uniquement par le gain, aux dépens des besoins et des désirs des clients, ce que les banques nient catégoriquement, soutenant qu'elles font «exactement ce que les clients demandent.»

Assez curieusement, la CCRC a eu énormément de difficultés à obtenir des renseignements sur les ouvertures et les fermetures de succursales. Par exemple, Jennifer Toews, du Centre d'information de l'Association des banquiers canadiens a répondu à nos demandes de renseignements en disant que : «Malheureusement, nous n'avons aucune information sur les ouvertures et les fermetures de succursales et nous ne savons pas trop qui est chargé de recueillir ce genre de données, à supposer qu'elles le soient.» Les réponses fournies par Canada Trust étaient bien meilleures : l'emplacement de toutes ses succursales se trouve sur son site Web; on retrouve aussi, dans son rapport annuel, une historique des tendances sur une période de dix ans. CT a également fourni des réponses détaillées à nos demandes de renseignements.

À la lumière de ce qui précède, la CCRC a établi l'échelle de classement suivante pour les activités des succursales :

(a) Banque TD ­ Laisse à désirer

Le dossier de la Banque TD en ce qui a trait aux activités des succursales «laisse à désirer» et ce, pour les raisons suivantes. Tout d'abord, des chiffres tirés des rapports annuels de la Banque TD indiquent qu'en 1993, la banque avait 978 succursales et 1 858 guichets automatiques, mais en 1998, le nombre de succursales était passé à 907, tandis que le nombre de guichets automatiques avait augmenté à 2 124. On constate donc une tendance évidente à éliminer les services bancaires complets et à inciter les consommateurs à utiliser les guichets automatiques.

Selon une étude ciblée menée en 1998 par le groupe Options consommateurs sur les fermetures de succursales de 1967 à 1997 à Montréal, à Calgary, dans l'est de l'Ontario et dans l'est de la Nouvelle-Écosse, toutes les banques ferment des succursales dans les quartiers défavorisés et dans les collectivités rurales et en ouvrent dans les banlieues. Suivant cette tendance générale, entre 1987 et 1997, la Banque TD a fermé 17 succursales et en a ouvert 9 dans la région de Montréal; elle en a fermé 10 et en a ouvert 9 dans la région de Calgary; elle a fermé une succursale en milieu rural et en a ouvert une dans une banlieue de l'est de l'Ontario et, enfin, elle a ouvert une succursale dans l'est de la Nouvelle-Écosse.

De surcroît, au début de 1998, après 95 ans d'existence, la Banque TD a fermé sa succursale du village de Keene, en Ontario, la seule banque qui desservait cette collectivité. Les 1 500 habitants de cette dernière se sont donc retrouvés sans services bancaires et doivent maintenant parcourir 40 km pour se rendre à la succursale la plus proche. Après de nombreuses protestations à l'échelle locale, la banque TD s'est finalement engagée à maintenir un guichet automatique ou à offrir des services réduits dans un magasin local (voir, à ce sujet, l'article intitulé «Protest Fails to Save Bank» dans The London Free Press du 21 mars 1998).

En plus de ces fermetures, la Banque TD a également introduit, dans certaines de ses succursales, les «mercredis sans espèces» en 1998. Ces jours-là, les succursales en question n'effectuent aucune transaction impliquant de l'argent comptant; les clients qui ont besoin d'argent doivent utiliser les guichets automatiques, qu'ils le veuillent ou non (The Toronto Star, 23 septembre 1998).

Les clients de TD ont clairement indiqué qu'ils sont mécontents du retrait des services en succursale. Sur les 683 plaintes générales reçues par l'ombudsman interne de TD en 1998, 296 (43 %) avaient été déposées par des clients qui étaient mécontents de la décision de la banque de réduire ses heures d'activité et les services en succursale, ce qui occasionnait des délais dÕattente plus longs; 91 lettres ayant trait à ces mêmes sujets ont également été consignées dans le système de suivi de l'Ombudsman.

Encore une fois, dans le domaine de l'accès aux services bancaires, la Banque TD peut citer des exceptions, telles que l'entente conclue avec le conseil de bande de Wagmatcook ­ sur sur l'île du Cap-Breton ­ relativement à la prestation de services bancaires personnels aux membres de la réserve, comme une raison suffisante pour obtenir une meilleure note. Cependant, ces exceptions ne suffisent pas pour compenser le retrait systématique de services complets en succursale, contrairement à ce que souhaitent les consommateurs. De même, l'ouverture, depuis 1997, de succursales de la Banque TD dans trois Wal-Mart en Ontario et en Saskatchewan et dans trois magasins de la chaîne de supermarchés Maxi&Co de Provigo en Ontario, ne suffisent pas pour compenser les tendances discriminatoires affichées par la banque dans ses fermetures de succursales, puisque ces succursales en magasin nÕoffrent généralement pas de services bancaires complets et qu'elles sont souvent situées, encore une fois, en banlieue.

La Banque TD peut également citer le fait qu'elle est en train de faire l'acquisition de cinq succursales de la CIBC situées dans des régions reculées du Yukon ­ entre décembre 1999 et mars 2000 ­ comme preuve qu'elle répond aux besoins des consommateurs à travers le Canada en ce qui a trait aux services bancaires en succursale. Cependant, alors que la CIBC exploitait les succursales en question sans subvention depuis cinq ans, le gouvernement du Yukon devra apparemment payer la Banque TD pour exploiter les succursales, même si TD a déjà conclu une entente avec le gouvernement pour gérer les comptes de ce dernier. La gestion de comptes publics constitue une source de fonds considérable pour toute banque en raison des importants dépôts de capital qui seraient beaucoup plus coûteux pour la banque si elle obtenait ce capital sur les marchés financiers (Whitehorse Star, 2 novembre 1999).

Pour résumer, la Banque TD dit avoir six millions de clients, dont seulement 400 000 (6,67 %) se sont inscrits pour utiliser ses services bancaires par Internet. Le fait d'être inscrit ne signifie pas nécessairement que ces clients se servent de l'Internet pour effectuer leurs transactions bancaires, voire pour tous leurs besoins bancaires (Canadian Banker, novembre/décembre 1999, p. 34). Cependant, à en juger par tous les efforts déployés par TD pour répondre aux besoins des clients qui se servent de l'Internet pour leurs transactions ­ comparativement à ce qu'elle fait pour répondre aux besoins de la majorité de ses clients qui veulent avoir des services bancaires complets en succursale ­ on ne croirait pas qu'ils forment une si petite minorité.

Brian Haier, vice-président principal des ventes nationales de la Banque TD, peut dire «qu'il existe beaucoup de preuves à l'effet que les gens préfèrent encore sÕadresser à un caissier pour certaines transactions» (Canadian Banker, septembre/octobre 1998, p. 17). Mais, comme tant d'énoncés formulés par les grands banquiers canadiens, il y a un grand fossé entre leur discours et la façon dont ils traitent leurs clients.

(b) Canada Trust ­ Hautement satisfaisant

Canada Trust a reçu la cote «Hautement satisfaisant» pour ce qui est des activités des succursales et ce, pour les raisons suivantes. Selon une étude ciblée menée en 1998 par le groupe Options consommateurs sur les fermetures de succursales de 1967 à 1997, Canada Trust a ouvert 8 succursales dans la région de Montréal, et elle en fermé 4 et ouvert 9 dans la région de Calgary (aucune donnée n'était disponible pour l'est de l'Ontario et l'est de la Nouvelle-Écosse).

Selon le profil sur 10 ans figurant dans son rapport annuel de 1998, CT avait 317 succursales à la fin de 1989 et 441 au 30 septembre 1999. Ces chiffres ne font pas état des fermetures mais Ralph Marranca, du siège social de Canada Trust, a répondu en détail aux questions de la CCRC, déclarant que la compagnie n'avait fermé que deux succursales entre 1996 et 1999, tandis qu'elle en avait ouvert 17 (en plus d'ajouter 5 succursales à son réseau en automne 1999, après avoir fait l'acquisition des trois succursales de Citibank en C.-B. et de ses deux succursales àToronto; tout le personnel des succursales de Citibank ont accepté des postes à Canada Trust).

Les deux succursales fermées se trouvaient à Kitchener (une succursale du centre-ville a été remplacée par une plus grande succursale seulement un pâté de maison plus loin) et à Sarnia (une succursale située dans un centre d'achats a fermé ses portes graduellement et a été remplacée par une autre succursale située non loin de là) (selon un message électronique envoyé par Ralph Marranca le 20 décembre 1999).


(3) Satisfaction de la clientèle

Le sentiment de frustration que ressentent les clients des grandes institutions financières est très prononcé comparativement aux clients d'autres industries. Dans des sondages nationaux effectués en 1996 et en 1998 auprès de milliers de Canadiens par l'Institut national de la qualité, un organisme indépendant, sur 22 industries, les banques se sont classées parmi les cinq dernières au chapitre de la satisfaction de la clientèle. Par contre, les coopératives de crédit se sont classées parmi les cinq premières et ce, les deux années. Le sondage effectué par Ekos pour le compte du Groupe de travail MacKay au printemps de 1998 a révélé qu'un Canadien sur dix avait eu un sérieux problème avec son institution financière dans l'année précédente et que pour 54 % d'entre eux, ce problème n'était toujours pas résolu.

Le rendement de la Banque TD dans les deux catégories susmentionnées donne aux clients de nombreuses raisons d'être insatisfaits ­ pas que le rendement des autres grandes banques canadiennes soit meilleur. Cependant, vers le milieu de l'année 1996, on a mis en place un système de suivi partiel qui permet de comparer et d'évaluer le comportement des banques en ce qui a trait à la satisfaction de la clientèle, plus précisément les dossiers des ombudsmans bancaires.

Chacune des six grandes banques, et aussi la Banque Laurentienne, a eu un ombudsman interne au cours des dernières années. De plus, en 1996, ces banques ont choisi un ombudsman d'appel, l'Ombudsman bancaire canadien (OBC), financé par elles. On devrait noter, ici, que le premier conseil d'administration de l'OBC se composait de cinq banquiers et de trois personnes sélectionnées par les banques; bien que le conseil soit maintenant formé de six banquiers et de six membres soi-disant indépendants, le gouvernement fédéral, entre autres, a rejeté la structure et le fonctionnement de l'OBC en disant que ce dernier penchait trop en faveur des banques.

Malheureusement, Canada Trust ne participe pas au système de l'OBC, malgré les failles de ce dernier; nous n'avons donc aucune statistique sur les plaintes logées auprès de l'Ombudsman au sujet de CT. Il est également dommage que l'OBC ne présente pas les statistiques sur le nombre de plaintes reçues banque par banque, ignorant, par le fait même, l'importante question de savoir si les plaintes sont résolues en faveur de la banque ou des clients; des détails à ce sujet seraient grandement utiles lorsqu'on compare les dossiers des banques. Heureusement, l'OBC sera bientôt remplacé par l'Ombudsman des services financiers canadiens (OSFC), tel que proposé dans lénoncé de politique publié en juin 1999 par le ministère des Finances; l'OSFC sera ouvert à toutes les institutions financières.

Il est important de noter que notre évaluation dans ce domaine se fondait seulement sur les plaintes qui parvenaient à l'ombudsman interne de la Banque TD et à l'OBC. On ne pourrait évaluer le dossier complet de TD que si les banques étaient tenues de suivre et de divulguer les plaintes reçues à chaque succursale, chose qui pourrait être aisément accomplie par les gérants de banque grâce à une base de données en ligne que le gouvernement fédéral pourrait facilement mettre en place et maintenir.

Notre évaluation comprenait également un examen des dossiers de la Banque TD et de Canada Trust dans les affaires qui ont été tranchées par les tribunaux. Nous avons effectué des recherches dans les bases de données en ligne suivantes du Maritime Law Book Review, pour y repérer les cas impliquant des institutions financières et leurs clients au cours des dix dernières années : Alberta Reports (de 1976 à ce jour); British Columbia Appeal Cases (de 1991 à ce jour); British Columbia Trial Cases (1999); Federal Trial Reports (de 1986 à ce jour); Manitoba Reports (de 1979 à ce jour); National Reporter (de 1977 à ce jour); New Brunswick Reports (de 1969 à ce jour) et New Brunswick Reports Supplement (de 1996 à ce jour); Nfld. & P.E.I. Reports (de 1971 à ce jour); Nova Scotia Reports (de 1970 à ce jour); Ontario Appeal Cases (de 1984 à ce jour); Ontario Trial Cases (de 1996 à ce jour); Saskatchewan Reports (de 1980 à ce jour); Cour Suprême du Canada (Motions en autorisation dÕappel ­ de 1997 à ce jour). Un cas intéressant à noter : la Banque TD a poursuivi la Canada Trustco Mortgage Co. devant la Cour fédérale du Canada en 1992 relativement à lÕutilisation du mot «vert» en association aux services financiers. La Cour a rejeté la plainte de TD.

Malheureusement, aucune des bases de données susmentionnées ne fait mention des décisions. Encore une fois, le dossier complet de chaque institution ne pouvait être évalué que si leur département juridique était tenu de divulguer toutes les poursuites impliquant des clients de l'institution et l'issue de ces poursuites; cela pourrait se faire assez facilement par les départements juridiques par le truchement d'une base de données en ligne que le gouvernement fédéral pourrait aisément installer et maintenir à jour.

À la lumière de ce qui précède, la CCRC a établi l'échelle de classement suivante en ce qui a trait à la satisfaction de la clientèle :

(a) Banque TD ­ Laisse à désirer

Le rendement de la Banque TD en ce qui a trait à la satisfaction de la clientèle «laisse à désirer», et ce, pour les raisons suivantes. Tout d'abord, comme il en a déjà été question, une divulgation incomplète de l'issue des plaintes ou des poursuites ne permet pas d'attribuer une note basée sur des dossiers détaillés de la banque. La Banque TD devrait mettre en place un mécanisme plus détaillé de suivi et de divulgation de son rendement à ce chapitre, et le gouvernement fédéral devrait obliger toutes les institutions financières à en faire de même.

Selon le rapport annuel de 1998 du Bureau de l'ombudsman de la Banque TD, le nombre de plaintes a augmenté de 45 % par rapport à 1997 (passant de 1 040 à 1 405) et de 90 % pour la période de deux ans en ce qui a trait aux services bancaires offerts aux particuliers. De ces chiffres, 683 en 1998 et 500 en 1997 étaient des plaintes de nature générale qui n'exigeaient pas de suivi. Des 683 plaintes générales, 296 (43 %) provenaient de clients qui étaient mécontents de la décision de la banque de diminuer les heures d'activité et les services en succursale, ce qui a entraîné des délais d'attente plus longs; et 91 lettres traitant des mêmes questions ont été enregistrées dans le système de suivi.

La majorité des autres plaintes (87 %) avaient été référées à diverses divisions de la banque pour y être réglées en vertu d'un nouveau système. Ainsi, le nombre de dossiers examinés par l'ombudsman a diminué de 50 % depuis 1997 (passant de 368 à 178). De ce chiffre, les parties sont parvenues à une entente totale dans 39 % des cas reliés aux services bancaires aux particuliers (la plupart d'entre eux étaient des demandes de dédommagement pour service médiocre) et à une entente partielle dans 20 % des cas; dans 41 % des cas, on nÕa pu arriver à une entente et 48 % des plaintes ont été réglées dans un délai de 20 jours ou moins.

Pour ce qui est des plaintes logées par les petites et moyennes entreprises (dont environ la moitié avait trait au crédit), on est parvenu à une entente totale dans 18 % des cas, à une entente partielle dans 34 % des cas et, dans 48 % des cas, on n'a pu arriver à une entente; 48 % des plaintes ont été réglées dans un délai de 20 jours ou moins. Pour ce qui est des appels interjetés auprès de l'Ombudsman bancaire canadien (OBC), selon les rapports annuels de ce dernier, en 1997, sur les sept banques participantes, la Banque TD avait le deuxième plus grand nombre de plaintes relativement aux services bancaires aux particuliers (13 en tout) et était à égalité avec une autre banque pour le deuxième plus grand nombre de plaintes logées par les petites et moyennes entreprises (7). En 1998, la Banque TD est demeurée en deuxième place pour ce qui est des plaintes provenant de particuliers (28), mais était en quatrième place pour ce qui est des plaintes logées par les clients commerciaux (4). Pour les chiffres disponibles depuis le début de l'exercice et publiés dans le rapport d'avril 1999 de l'OBC, la Banque TD, de même qu'une autre banque, arrivait en deuxième place pour ce qui est des plaintes logées par des particuliers (16 en tout); seulement une plainte avait été logée par un client commercial.

En outre, sur les 28 poursuites judiciaires impliquant la Banque TD et ses clients au cours des dix dernières années, les tribunaux ont tranché 14 fois en faveur de la Banque et 14 fois en faveur des clients.

(b) Canada Trust ­ Laisse à désirer

Le dossier de Canada Trust au chapitre de la satisfaction de la clientèle «laisse à désirer» et ce, pour les raisons suivantes. Tout d'abord, comme il en a déjà été question, une divulgation incomplète de l'issue des plaintes ou des poursuites ne permet pas d'attribuer une note basée sur des dossiers détaillés de la banque. La Banque TD devrait mettre en place un mécanisme plus détaillé de suivi et de divulgation de son rendement à ce chapitre, et le gouvernement fédéral devrait obliger toutes les institutions financières à en faire de même.

Deuxièmement, Canada Trust a refusé de divulguer, à la CCRC, son dossier en matière de règlement des plaintes. Troisièmement, Canada Trust ne participe pas à un système indépendant de règlement des plaintes auquel les consommateurs peuvent avoir recours s'ils sont mécontents de la façon dont la compagnie a traité la situation.

Bien que 27 des 34 poursuites entamées par des clients de Canada Trust contre ce dernier au cours des dix dernières années aient été tranchées en faveur de l'institution financière, dans l'ensemble, son rendement en matière de satisfaction de la clientèle laisse clairement à désirer.


(4) Financement des entreprises

Le financement des entreprises est le plus important aspect des services bancaires en raison de ses répercussions sur l'économie canadienne. Au vu du fait que les six grandes banques canadiennes et les sociétés de fiducie qui leur sont affiliées contrôlaient, au mois de septembre 1999, 75 % (sur un total de 576 milliards de dollars) de tous les prêts octroyés aux entreprises au Canada, les banques ont littéralement pouvoir de vie ou de mort non seulement sur les entreprises, mais sur des secteurs d'activité tout entiers. Et il existe passablement de preuves à l'effet que les banques, surtout pendant la période de 1989 à 1993, ont contribué à détruire plusieurs secteurs d'activité en décidant, arbitrairement, de cesser de les financer.

Ces problèmes ont continué après 1993, comme en témoigne un sondage effectué en 1996 par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante auprès de ses membres; 24 % des répondants ont indiqué que leurs banques se montraient, en général, peu disposées à leur emprunter de l'argent.

Reconnaissant enfin la position dominante des banques sur le marché et les problèmes permanents au niveau du financement des entreprises, le gouvernement fédéral a négocié, en 1995, un système de divulgation sur les prêts octroyés aux entreprises. Le système en question, coordonné par l'Association des banquiers canadiens, suit, pour chaque banque (uniquement ­ les sociétés de fiducie et autres institutions financières ne sont pas incluses) les prêts accordés, selon la taille des prêts et le secteur d'activité et ce, dans huit régions à travers le Canada. Des rapports sont publiés sur une base trimestrielle.

Bien que le système actuel fournisse quelques renseignements utiles, il ne permet pas de suivre des données clés reliées à la demande (nombre de demandes de prêt) et de déterminer si les banques répondent à cette demande (nombre de demandes rejetées et les motifs des rejets). Par conséquent, si une banque octroie moins de prêts d'une certaine taille, ou si elle diminue le financement accordé à certains types d'entreprises ou à une région donnée, elle peut prétendre (faussement) que cette diminution correspond à une baisse de la demande. Aux É.-U., les institutions financières sont tenues de suivre et de divulguer ces données clés.

Contrairement aux É.-U., le système canadien n'exige pas la divulgation des prêts accordés quartier par quartier, permettant ainsi aux banques de refuser secrètement de financer certains quartiers.

En outre, le système actuel ne suit pas les prêts aux entreprises selon la taille de ces dernières, mais plutôt selon la taille des prêts. Bien que certains observateurs remettent en question la nécessité de suivre les prêts accordés selon la taille de l'entreprise, il est clair que les grandes entreprises peuvent obtenir de petits prêts, même s'il est peu probable que l'inverse soit vrai. Étant donné que les travailleurs autonomes et les petites entreprises figurent parmi les secteurs où la croissance est la plus forte au Canada, et que, selon certaines enquêtes, les seuls secteurs qui affichent un taux net de création d'emplois, il semble qu'il y aurait lieu de suivre, aussi exactement que possible (c.-à-d., en fonction de la taille de l'entreprise) le financement qui leur est accordé.

En plus de ces lacunes, le système actuel ne suit d'aucune autre manière le financement accordé aux entreprises; les services de banque d'investissement des banques (et autres sociétés de financement par actions), ainsi que leurs divisions de cartes de crédit et de capital de risque investissent des milliards de dollars et ce, avec peu ou pas de droit de regard public. Le gouvernement fédéral s'est engagé à mettre en place un système plus détaillé pour suivre le financement accordé aux entreprises, mais étant donné le manque de mesures précises contenues dans cet engagement, le système demeurera incomplet et comportera de sérieuses lacunes, ce qui aura des conséquences néfastes pour l'économie canadienne.

Ceux qui, comme les banques, financent les entreprises, continueront donc d'échapper à l'examen public et ne pourront pas être tenus responsables s'ils n'appuient pas l'économie canadienne, s'ils épuisent les capitaux du pays ou s'ils financent des industries qui font plus de mal que de bien.

À la lumière de ce qui précède, la CCRC a établi l'échelle de classement suivante en ce qui a trait au financement des entreprises :

(a) Banque TD ­ Inobservation notable à Laisse à désirer

Au chapitre du financement des entreprises, la Banque TD à obtenu la cote «Inobservation notable» à «Laisse à désirer» et ce, pour les raisons suivantes. En premier lieu, comme on l'a mentionné auparavant, le manque de divulgation détaillée des statistiques sur les prêts accordés aux entreprises empêche d'examiner le rendement global de la banque.

En deuxième lieu, selon le système de suivi des prêts aux entreprises de l'Association des banquiers canadiens (ABC), de toutes les banques qui participent au système, la Banque TD affiche le plus faible pourcentage de prêts octroyés aux petites et moyennes entreprises (PME). Au 30 septembre 1999, seulement 7,8 % du montant total octroyé en prêts par TD l'ont été à des PME ­ comparativement à 8,66 % (également le plus faible pourcentage de toutes les banques participantes) au 30 septembre 1998 ­ et ce, malgré son programme Main$treet, conçu spécialement à l'intention des PME en 1997.

La Banque TD peut prétendre qu'elle mérite une meilleure note à cause des résultats obtenus dans le cadre d'un sondage effectué en 1998 par Thompson Lightstone & Company Ltd. pour le compte de l'ABC et qui a révélé, entre autres choses, que 33 % des PME qui font affaire avec la Banque TD envisagent ou ont envisagé, au cours des deux dernières années, de changer d'institution financière (comparativement à la moyenne de 35 % pour le secteur). Cependant, le fait qu'un tiers de vos clients envisagent ou ont envisagé d'aller à une autre banque n'est pas signe d'un dossier très reluisant.

En troisième lieu, selon les récents rapports annuels de la Banque TD, cette oriente ses prêts principalement vers les médias, les télécommunications, l'exploitation forestière, les services publics, le financement de projets, l'exploitation minière et les soins de santé et ce, par l'entremise de plus d'une douzaine de bureaux répartis dans des grands marchés internatioanaux. Il est très difficile, sinon impossible, de déterminer si la majeure partie du financement de la Banque TD correspond à des critères de développement communautaire ou de développement durable en raison, encore une fois, du manque de renseignements détaillés.

Cependant, le rendement global de TD ne semble pas très reluisant, à en juger par les domaines qu'elle choisit de financer ­ foresterie, services publics, mines et financement de projets ­ et par les chiffres fournis par l'ABC dans l'édition du 30 septembre 1999 des statistiques sur les prêts aux entreprises, qui montrent que les prêts de 5 millions de dollars ou moins octroyés par TD au Canada totalisent 16,2 milliards, dont 1,1 milliard à des sociétés de financement et d'assurance, 219 millions à des compagnies qui exploitent des forêts, des mines, des carrières et des puits de pétrole. Fidèle à son habitude, l'ABC ne divulgue pas certaines informations clés par industrie, notamment une ventilation des prêts de plus de 5 millions de dollars; il est donc impossible de savoir quelles industries sont réprésentant par les 1,724 entrepries (1,48% du total clients entreprises de Banque TD) que récevoient des 95,2 milliards versés sous forme de prêts de plus de 5 millions de dollars (même si ces prêts représentent 85,5 % du montant total de prêts octroyés aux entreprises par la Banque TD). Cependant, étant donné que 57 des 95,2 milliards ont été accordés à des entreprises de la région métropolitaine de Toronto, il est probable que la majeure partie de ce financement est dirigé vers la principale industrie de Toronto, soit celle de la finance.

Cette conclusion est corroborée par le fait que de toutes les grandes banques canadiennes, la Banque TD est celle qui met le plus l'accent sur les services de banque d'investissement, la gestion de la fortune et d'autres formes de financement de «fortunes sur papier». Les domaines où TD semble concentrer son financement dénote un manque d'engagement envers des investissements réels qui créent des emplois réels dans des communautés réelles, et envers le développement économique qui contribue à bâtir des collectivités durables et pas seulement à augmenter la richesse des actionnaires.

De plus, certains des biens détenus par TD font remettre en question son respect des principes de développement durable. En 1994, par exemple, Denison Mine devait 77 millions de dollars à la Banque TD et à la Banque d'Amérique et était au bord de la faillite à la suite de l'effondrement du marché de l'uranium. La Banque TD a maintenu la compagnie en vie en décidant de ne pas exiger le remboursement d'une partie du prêt. À l'époque, Denison essayait de convaincre le gouvernement d'utiliser l'argent des contribuables pour nettoyer les millions de tonnes de résidus d'uranium radioactif qui se trouvaient encore dans les mines de la compagnie à Elliot Lake ­ qui avait fermé leurs portes en 1992 ­ à un coût de 100 millions de dollars.

Depuis lors, grâce à l'appui financier soutenu de TD, Denison a pu lancer le projet d'uranium du Lac McClean en Saskatchewan en juin 1999, et elle poursuit le projet d'uranium de la région méso-canadienne, dans la partie nord de la province. Parmi ses autres activités, Denison reçoit également des droits de redevance dans le cadre d'un nouveau projet de production de pétrole dans le chantier de Villano, en Équateur.

En 1989, TD a également acheté, avec la Banque Royale, 44 % des actions de la compagnie Western Forest Products de la C.-B. Bien que leur part des actions ait été vendue à l'actionnaire majoritaire Doman Industries en 1992, cet investissement dans une compagnie forestière qui affiche un des rendements les plus médiocres en matière de gestion de l'environnement soulève de sérieuses questions quant à l'engagement de TD envers le développement durable. Pour citer un autre exemple, en automne 1999, TD a acheté 22 % des actions de Skeena Cellulose en C.-B. (conjointement avec le gouvernement de la C.-B.), et la Banque est également un des principaux actionnaires de Repap Enterprises qui exploite une usine de papier au Nouveau-Brunswick.

Ces importants investissements consentis par TD à des industries peu durables font contraste à son traitement des petites entreprises qui essaient de créer des emplois pour les Canadiens. Par exemple, en seulement sept ans, pas moins de quatre chargés de prêts différents ont géré le compte de Frida Crafts, une entreprise située au centre-ville de Toronto. En automne 1990, après 21 ans d'existence et sans avoir raté un seul paiement , TD a non seulement refusé de majorer la ligne de crédit du magasin pour permettre à ce dernier d'augmenter son inventaire avant la période des Fêtes, mais la banque a également exigé le remboursement d'un prêt de 20 000 $ octroyé en vertu de l'Administration des prêts aux petites entreprises (APPE) et garanti par le gouvernement. C'est seulement après que la propriétaire du magasin, Susan Bellan, a raconté son histoire en première page des journaux que la Banque a décidé de renverser sa décision et d'augmenter la marge de crédit du commerce.

En juillet 1990, la Banque TD a exigé que le courtier en immobilier Ben Skovsgaard injecte 50 000 $ dans son entreprise. Trois semaines avant la date d'échéance du paiement, la Banque TD a annulé, sans préavis, les privilèges de découvert de Skovsgaard, entraînant ainsi le refus de plusieurs chèques pour défaut de provision et dissuadant un groupe qui avait déjà offert d'acheter l'entreprise pour 200 000 $. Skovsgaard s'est donc vu forcé de vendre son entreprise pour seulement 25 000 $. Cinq ans plus tard, un tribunal de l'Ontario a ordonné à la banque de verser 494 000 $ en dommages et intérêts à Skovsgaard. La banque a perdu sa cause en appel et a payé le montant stipulé en novembre 1995.

Un autre exemple connu (il y en a probablement beaucoup d'autres mais à cause, encore une fois, d'une divulgation incomplète, il est impossible de repérer tous les cas) est le cas de Argord Industries. Cette entreprise de fabrication de petits moteurs électriques et d'autres produits industriels a été achetée par John Banka en 1978. En 1987-88, la Banque TD a consenti un prêt à terme de 250 000 $ à la compagnie, ainsi qu'une marge de crédit de 150 000 $. En 1991, Banka a demandé un prêt de 100 000 $ de l'APPE, garanti par le gouvernement, mais TD a rejeté sa demande, malgré qu'Argord avait déjà remboursé près de la moitié du prêt à terme. Banka avait dit à TD que la compagnie venait de perdre un important client et qu'elle en courtisait de nouveaux quand la banque a annulé sa marge de crédit sans préavis. Plusieurs chèques ont été refusés pour défaut de provision et la compagnie s'est retrouvée au bord de la faillite. Après plusieurs reportages dans les médias, Argord a trouvé un acheteur et emploie, aujourd'hui, plus de 40 personnes.

(b) Canada Trust ­ Données insuffisantes

Nous avons attribué la cote «Données insuffisantes» à Canada Trust dans le domaine du financement aux entreprises et ce, pour les raisons suivantes. Premièrement, Canada Trust ne participe pas au programme de statistiques en matière de prêts aux entreprises de l'ABC et ne divulgue donc pas suffisamment de renseignements pour permettre une évaluation de son dossier.

Par conséquent, bien que l'institution prétendait, à la fin de septembre 1999, qu'elle avait dépassé le cap du milliard de dollars en prêts accordés aux petites entreprises et qu'elle comptait emprunter 300 millions de dollars de plus avant la fin de 1999, il n'y a aucun moyen de vérifier ces affirmations.

Canada Trust semble faire preuve de souplesse en matière de prêts aux entreprises; elle affirme, en effet, qu'elle approuve, habituellement en moins d'une heure, des prêts jusqu'à concurrence de 50 000 $ sans vérifier les états financiers de l'entreprise. Toutefois, il n'y a pas non plus moyen de vérifier ces affirmations sans un système détaillé de suivi et de divulgation ­ pour tous les prêts aux entreprises ­ du nombre de demandes de prêt reçues, approuvées et rejetées et, dans le dernier cas, des motifs des rejets.


(5) Financement du développement communautaire

Comme c'est le cas avec bien d'autres domaines, nous ne disposons pas d'assez de renseignements pour évaluer le dossier de chaque institution financière au chapitre du financement de projets d'aménagement communautaire. Pour citer un exemple, dans le domaine du logement abordable, la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) ne possède malheureusement aucune statistique sur la participation de chaque institution financière au programme d'accession à la propriété, voire aux autres types de programmes d'aménagement immobilier garantis.

La CCRC a utilisé l'échelle de classement suivante pour le financement du développement communautaire :

(a) Banque TD ­ Données insuffisantes

Nous avons attribué la cote «Données insuffisantes» à la Banque TD dans le domaine du financement du développement communautaire parce que l'institution ne fournit pas, dans ses rapports annuels ou ailleurs, suffisamment d'informations pour permettre d'évaluer son rendement à ce chapitre.

(b) Canada Trust ­ Données insuffisantes

Nous avons attribué la cote «Données insuffisantes» à Canada Trust dans le domaine du financement du développement communautaire parce que l'institution ne fournit pas, dans ses rapports annuels ou ailleurs, suffisamment d'informations pour permettre d'évaluer son rendement à ce chapitre.


(6) Activités à l'extérieur du Canada

Comme avec bien d'autres domaines, il nous manque des renseignements clés pour évaluer le rendement de chaque institution financière en ce qui a trait aux activités effectuées à l'extérieur du Canada. Pour citer un exemple, en vertu de la ligne directrice D du Bureau du surintendant des institutions financières, et des principes comptables généralement reconnus auxquels adhèrent les comptables agréés du Canada, les institutions financières canadiennes ne sont pas tenues de divulguer leurs états des résultats pour leurs opérations à l'étranger, voire d'autres renseignements concernant leurs activités à l'extérieur du Canada. Par conséquent, contrairement aux autres compagnies, qui sont tenues de divulguer des renseignements détaillés, les banques regroupent généralement ces données sous la rubrique «Étranger».

Étant donné que les grandes banques canadiennes sont toutes actives aux É.-U. et que ces activités sont sujettes à des normes relativement élevées en matière de divulgation et d'examen en vertu du Community Reinvestment Act américain, la CCRC s'est basée sur l'exemple du CRA dans l'élaboration de l'échelle de classement suivante pour ce qui est des activités à l'extérieur du Canada. Il n'y a aucune raison pour que les institutions financières canadiennes ne soient pas tenues de répondre aux mêmes exigences et ce, pour toutes leurs activités, tant au Canada qu'à l'étranger :

(a) Banque TD - Inobservation notable

Nous avons donné la cote «Inobservation notable» à la Banque TD dans le domaine des activités à l'extérieur du Canada et ce, pour les raisons suivantes. Premièrement, l'institution ne fournit pas, dans ses rapports annuels ou ailleurs, suffisamment de renseignements pour permettre d'évaluer son dossier à ce chapitre. Toutefois, les rapports annuels et d'autres sources semblent indiquer que la Banque TD est active dans les transactions bancaires internationales, les cartes de crédit et les activités bancaires outre-frontière et ce, par l'entremise de ses filiales aux É.-U., au Royaume-Uni, à Hongkong, au Moyen-Orient, en Australie et à la Barbade, et par le biais de ses bureaux situés au Mexique, au Chili, aux Bermudes, en Irlande, en Hollande, Singapour, en Chine et au Japon.

Deuxièmement, le peu de preuves disponibles révèlent certains aspects inquiétants. Par exemple, la Banque TD a accordé des prêts au Chili sous Pinochet, aux Philippines sous Marcos et à des compagnies du Brésil alors que ce dernier était encore sous un régime dictatorial. La Banque TD était également active en Afrique du Sud à l'époque de l'apartheid; toutefois, elle n'a pas mis fin à ses activités dans ce pays par respect de principes quelconques mais plutôt parce qu'elle n'y avait que peu d'investissements et que la mauvaise publicité qu'occasionnait ces derniers s'avérait plus dispendieuse pour elle que le fait de cesser ses activités dans le pays.

De surcroît, en automne 1999, TD Waterhouse (la 2e plus grande société de courtage réduit au monde et la 3e en importance pour ce qui est du courtage sur Internet) a annoncé l'établissement, avec la société indienne Tata Group, d'une coentreprise (avec une participation de 49 %) visant à offrir des services de courtage réduit et, éventuellement, le commerce d'actions en ligne. Ce plan était largement reconnu comme étant une initiative visant à couper l'herbe sous les pieds des courtiers locaux, et non à appuyer le développement économique des collectivités du pays.

(b) Canada Trust ­ Données insuffisantes

Nous avons attribué la cote «Données insuffisantes» à la Banque TD dans le domaine des activités à l'extérieur du Canada parce que l'institution ne fournit pas, dans ses rapports annuels ou ailleurs, suffisamment d'informations pour permettre d'évaluer son rendement à ce chapitre.

Les rapports annuels et autres sources semblent indiquer que Canada Trust n'est active à l'étranger que par l'entremise de sa nouvelle filiale CTUSA FSB située à Naples, en Floride. Étant donné qu'il s'agit d'une toute nouvelle institution, les données disponibles à son sujet sont insuffisantes pour permettre d'évaluer son dossier.


(V) Recommandations

Le gouvernement fédéral devrait ignorer les anciennes relations qu'entretenaient des représentants clés du gouvernement avec la Banque TD et d'autres institutions financières (le Premier Ministre Jean Chrétien, par exemple, était membre du conseil d'administration de cette banque en 1989), et mettre en oeuvre les initiatives suivantes relativement à la prise de contrôle de Canada Trust par la Banque TD et toute acquisition future d'une banque ou d'une institution financière par une autre institution financière :

En outre, pour combler les autres lacunes contenues dans les changements proposés par le ministre des Finances Paul Martin relativement aux lois qui régissent les institutions financières (voir l'énoncé de politique publié par le ministère des Finances en juin 1999) et s'assurer ainsi que les institutions financières répondent aux besoins en crédit et en services des particuliers, des entreprises et des collectivités à travers le pays, la CCRC fait les recommandations suivantes :

En plus des mesures énoncées dans le document rendu public par Paul Martin en juin 1999, toutes les mesures susmentionnées sont essentielles si l'on veut s'assurer que les institutions financières fassent leur part pour aider à résoudre la crise et servent tous les Canadiens de façon adéquate et équitable.


Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire 
C.P.1040, Succ.B, Ottawa Canada K1P 5R1

Tél: (613) 789-5753
Télec: (613) 241-4758 

Courrier électronique : cancrc@web.net

Copyright 2000 CCRC